LE
SEUIL INFRANCHISSABLE
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Le
début, personne ne s'en souvient.
La fin,
on ne s'en souviendra pas, mais
quelle trace laissera
l'entre-deux?
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Biographie
d'un être humain entièrement
bio-dégradable.
-
- Bien
avant lui il y a eu
ses créateurs qui réussirent à
être un peu
heureux le temps de leur jeune amour après avoir
été enfants eux-mêmes sous le feu des
bombes de
guerre.
-
______
- Né
un
;
eme jour surnuméraire, histoire de
rattraper le temps perdu.
"Maman!"
c'est le mot que crient le
plus souvent
les moribonds.
- Coincé
dans les rayonnages entre Robert de Traz et
Elza Triolet, Jean-Paul Trichet fils de haut fonctionnaire des Postes
Télégraphe &
Téléphone et de la
Coiffeuse du Vice-Président, est né dans les
enceintes
mêmes de la conciergerie du Château des Duc de
Bretagne
à Nantes
en
Loire Inférieure le 29 Février 1949.


- -
Il fut successivement un
bébé candide
- -
enfant heureux avec pour
décor quotidien, les douves du château
où
cancanaient les canards et les cy(si)gnes noirs

- -
Alors qu'ilne lui restait
plus que cinq ans pour être un petit d'homme content
d'être
au monde, il découvrait la magie jubilatoire du spectacle
avec
la vie des
marionettes
dans un grand théâtre en planches rouges sur
le Cours Saint-Pierre.
- A
9ans (quand il ne restait
plus à son père que quelques mois à
vivre) il
entra la serrée dans celle du papa, dans une salle de
cinéma vaste comme un hyppodrôme
pour faire un voyage
au centre la terre, une histoire
écrite par un vieux Monsieur Jules qui était
né
dans la même ville que lui. De quoi être
ébloui pour
le reste de la vie; son grand-père ne lui avait-il pas
expliqué que le cinématographe avait
été
inventé par deux hommes appelés LUMIERE
mais cela il ne l'avait
jamais cru, et un autre qui était Magicien (ce
métier
là, lui plaisait bien).
- -
enfant triste quand son
père mourut, gravement touché par la maladie du
travail
Il les
photographiait pour fêter sa promotion, qui
n'était autre
qu'un Arrêt de mort masqué d'un capuchon noir.
L'enfant
pleurait tout le temps car il savait qu'en plus du papa,
c'était
l'amoureux de maman et le fils unique de sa mère qui
était mort. Diabolique Trinité mortuaire qui ne
le
quitterait plus jamais ... 
- -
étudiant en lettres
et en philosophie pour apprendre que la réponse est le
malheur
de la question.

- -
professeur en tout bien tout
honneur

- -
cinéaste et
vidéaste pour suivre les temps modernes et aussi pour
échapper à l'angoisse primale
- -
bibliothécaire ou
plus exactement comme il se plaît à
l'écrire:
"gardeur de livres"
- -
écrivain
spécialisé dans les "sales pensées au
sens propre"

- -
plusieurs fois il rencontra
sa Gradiva et eut d'elle deux enfants, fille
et garçon
séparés par
vingt ans.
- -
paranoïaque
infréquentable, ses amis l'abandonnèrent, pensant
que
c'était un imposteur accompagné d'un usurpateur.
Il
feignait le malheur comme les autres miment la beauté du
monde
avec l'éternel slogan de la nouvelle dictature douce mis en
place: "Elle
est pas belle la vie!"
- -
alors il pratiqua la
littérature fractale interactive comme un plaisir solitaire
mais
rêvant de savoir faire des prières efficaces.
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Après l'Interdiction
des Sites Persos trop dangereux pour l'ordre public, tous ses travaux
furent effacés de toutes les mémoires.
- -
Certaines nuit où les
rondes de Police avaient l'air d'être moins nombreuses (les
nuits
sans incendies urbains) il endossait son imperméable couleur
muraille et distribuait des milliers de micro-cartes-mémoire
comme on lâchait les tracts de avions pendant les guerres.
- -
On a retrouvé qu'une
vieille affiche rouge.

- -
Rien k'du bonheur! Y'a k'la
vérité toute nue qui compte. Vive la
liberté. Rien
que des mots vides de sens.
-
-
Après
la
vérité on lui asséna philosophiquement
la
réalité puis l' Existentialité selon
Roquentin.
Mais
Sartre, lui aussi pré-nommé Jean-Paul (comme le
poète sans nom patronymique) continua à
être son
ami, grâce au "Mur".
-
Puis
sa mère
(avec laquelle il n'avait aucune mesure commune) mourut seule dans
l'entrée de son appartement à 11h18 du matin et
ne fit
plus jamais parler d'elle, sauf dans les rêves de l'auteur.
-
Le
bonheur c'est un sourire (la
Grande Peur reptilienne du macaque qui soulève ses babines
pour
montrer les dents qui mordent; soudain
métamorphosée en
plaisanterie)
.
Sa vocation ne pouvait pas être autre chose que
d'être un
ouvrier-écrivain de L'ARRET.
La vérité, qui
n'existe pas, était une femme nue qui sortait d'un puits
ténébreux brandissant un flambeau pour nous
éclairer car le jour à l'extérieur est
encore de
la nuit.
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Sur
l'ancien réseau ADSL, tout poussiéreux et plein
de toiles
d'araignées on trouve des sites
désaffectés avec
de très anciens noms.
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Entre
les temps morts, il faisait du prechi-precha (interventions
militantes dans des colloques)
pour
philosophes non encore convertis à sa cause.
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-
En
2050 par arrêté préfectoral il fut
incarcéré et expatrié dans un petit
pays
très beau, très loin et très riche
où on
lui avait dit que les habitants n'avaient aucune idée de ce
qu'était le malheur (par simple anomalie
génétique).
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Parfois,
surtout quand les parcs et jardins tranquilles sont recouverts d'un
EPAIS MANTEAU DE NEIGE, l'auteur pense à papa-maman, l'un au
dessus de l'autre
par tranche de 30 ans qui doivent avoir très froid
dans leur linceul. Leur vieil enfant continue ses
excentricités
mais ils ne peuvent plus le rassurer. Il passe derrière les
tombes pour mieux regarder sa vie.
C'est
AINSI que nous
vivons.
- ©
New York (avril 2004)

PS:
J.F.Marquet,
journaliste à la Radio-Phonie rapporte qu'on le voit souvent
accoudé à un zinc moderniste de
SoHo
Où les bouteilles à l'image de la
vie, se rangent à l'envers,
,
étaller
et défroisser un bout de papier avec
griffonné dessus toujours la même citation de son
vieux
pote Samuel:
"Tout s'embrouille dans ma tête, cimetières
et
noces et
les différentes sortes de selles... Ce qui m'acheva, ce fut
la
naissance. J'en fus
réveillé."
