Net
et enquête sur l'autre hauteur littéraire
PREAMBULE
Depuis plus de trente ans, des auteurs créent des oeuvres
littéraires sur ordinateur, des oeuvres de
“ littérature numérique ”, que certains
appellent “ littérature électronique ”,
“ littérature informatique ”,
“ e-littérature ” ou encore “
cyberlittérature ”. Quant à moi je
préfère parler de littérature fractale, ce qui
renvoie aux origines en même temps qu'au fragment, au fragment
qui peut se détacher du Tout.
Pour ces auteurs, il ne s'agit pas de diffuser des textes
littéraires sur un support numérique mais Il s'agit de
concevoir et de réaliser des oeuvres spécifiquement pour
l'ordinateur en s'efforçant d'exploiter certaines de leurs
caractéristiques : technologie hypertexte, dimension
multimédia, interactivité... (cf, sur mon site: la
possibilité de voir ou de ne pas voir une photographie ...
déterminante ou non pour le texte)
J'ose espérer que l'oeuvre qui suit, fait partie d'un nouveau
paradigme littéraire. La littérature électronique
ne peut se comprendre qu'en la reliant aux poétiques
antérieures qu'elle tente de réactualiser. Conscient de
pratiquer un art hybride aux croisements des arts audio-visuels, de la
langue comme Belles Lettres et d'une nouvelle technologie de
l'information et de la communication, je place l'e-lecteur dans une
posture de spectateur actif qui fait de l'objet texte une sorte de
"performance". Mais un "donné à voir" surprenant qui
entache le silence de la nuit comme un hurlement de loup. Ainsi le
bruit informatique (du clavier au ronflement somnolent du ventilateur
et aux parasites du médium) aussi assourdissant que les pages
d'un livre qu'on tourne dans le lit, peut devenir ce qu'il a y de plus
essentiel.
HERMENEUTIQUE des PROFONDEURS et
PRE-TEXTE
Pourquoi il y a quelque chose et pas rien? ... j'aurais
préféré ne pas être né. Mais une fois
embarqué sur cet océan de pauvreté, je ne trouve
plus qu'à crier: "Je ne veux pas être mort".
Tout
écrire (et pas tout dire) dans un déshabillage aux
limites du dicible... tout livrer, donner à voir (icones /
icônes), à scruter, à spéculer. Le
scaphandrier des profondeurs, à l'image des soldats de Nemo,
trouble sa propre vision à chaque pas trop lourd qu'il fait,
pour avancer. La terre brouille la vision. Il faut tout noter sans
complaisance et se méfier du style qui dissimule la
vacuité.
En suivant le sillage de
Maurice Blanchot, on s'aperçoit que la vocation de l'art
occidental a changé après Auschwitz. Je suis comme
écartelé entre l'interdit thoraïque de la
représentation du vivant et la mystique chrétienne qui
prône l'impossibilité de nommer Dieu. Je ne cherche
même plus à parler mais je veux continuer à
écrire l’absence et l’innomable.
La tentation de l'
hyperlivre, du livre virtuel ou même de l' U-blog.
Ce sera le carnet de bord d' un forage minier et d' une immersion
soluble.
Ouvrir une faille dans le livre papier pour faire exploser la
sphère du Volume.
Un livre pas pressé d'en finir, un work in progress sans point
final, une écriture sans téléologie.
En titrant Ecriture électronique fractale je pensais à
Deleuze qui envisageait "des fragments impossibles à totaliser,
éclats primordiaux qui ne témoignent d'aucun tout."
- Un livre toujours à venir et jamais advenu. Je regrette que
les anglo-saxons ne disent pas Biblary mais Library pour
Bibliothèque (ce qui rend le français très
évident).
Quant au livre électronique il ne lui en reste plus que la
feuille de pixels mais aucun volume refermable.
Ainsi un éminent spécialiste en 1996 évoque et
distingue les notions de "texte-à-voir" comprenant
lui-même un "texte-à-voir-lu" et un
"texte-à-voir-non-lu", et qui coexisterait avec d'autres
"texte-lu" , "texte-lu-pressenti", "texte-à-voir-virtuel", etc.
... autant d'entités qui, à force de se vouloir
multiples, se singularisent à un point jamais atteint et sont
icapables de "jouer le rôle du texte classique", même si
cette performance, cette installation d'art contemporain est accomplie
par un "générateur", par une machine sans cesse
traversée par des influx électriques qui répondent
à des ordres.
"Ceci n'est pas une note infrapaginale orale" comme écrivait
Derrida, mais un lien hypertexte, un brochage, une re-liure, un renvoi,
avant ou après.
Et pourquoi pas une écriture de l'Eschatologie, hantée
par le spectre de "l'être pour la mort."
Et pourquoi pas un site de thanatologie virtuelle?
La pensée de la mort n'est pas la mort de la pensée ...
bien au contraire. Notre angoisse est telle qu'il nous faut absolument
l'évacuer pour vivre et tous les moyens sont bons: même
les pires.
Cette angoisse est aussi compréhension. Elle comprend d'une
manière exceptionnelle la possibilité d'exister
authentique. Je reconnais volontiers être souvent plongé
dans le fameux "souci angoissé". J'habite le monde (car on m'y a
jeté) et la vie prend la forme d’une coquille.
On ne peut parler de la mort que par métaphore: à part le
cadavre personne n'habite cette maison là.
Le médecin qui pratique une autopsie (pour voir de ses propres
yeux) ne verra RIEN de la mort. Un croque-mort qui tous les jours
attend dans son corbillard, l'ordre du maître de
cérémonie d'enlever le cercueil du catafalque; en sait
beaucoup plus long. La vie nous parle de la mort, et parfois
même que de cela.
- Allons plus loin : de quelque sujet qu'on traite, en un sens on
traite de la mort ; parler de quoi que ce soit, par exemple de
l'espérance, c'est obligatoirement parler de la mort ; parler de
la douleur, c'est faire parler, sans la nommer, la mort ;
philosopher sur le temps c'est, par le biais de la temporalité
et sans appeler la mort par son nom, philosopher sur la mort ;
méditer sur l'apparence, qui est mélange d'être et
de non-être, c'est implicitement méditer sur la mort
- La mort, c’est ce qui reste du problème ... mais
indirectement et à mots couverts, par hiéroglyphes et
sous-entendus. "La vie est l'épiphanie de la mort",
Vladimir Jankélévitch
Du jour, enfant de 11 ans, où j'ai vu, de mes yeux vu, le corps
mort du père aimé, je suis rentré dans une
terrible somnolence, à force de penser à RIEN.
Au début était le Memory Extender.
Il s'agit de tenter de reproduire le fonctionnement
caractéristique de l'esprit humain en imaginant des machines
capables de fonctionner par association et non plus selon le
modèle classique de l'indexation. Il s'agit donc de pouvoir
annoter tout type d'information. Ted Nelson (inventeur du terme
Hypertexte) souffrait d'une forme extrême d'un syndrome affectant
les capacités d'attention, perdant sans arrêt le fil de
ses pensées.
Mais une fois, bien avant, on inventa le codex (formé de
feuilles encartées les unes dans les autres et attachées
en cahiers comme les livres contemporains) qui se différencia du
volumen (rouleau). Et maintenant, d'un scroll, je fais se
dérouler le texte, je veux dire exactement : défiler de
bas en haut ou de haut en bas comme on revient sur la trame du tissu,
d'abscisse en ordonnée pour trouver la fovea du texte.
CONSIGNES IMPERATIVES POUR DEROULER LE
SITE
Work in progress - Work art - Net art - Art pas net (comme dit la
chanson: "j'ai jeté les jumelles pour ne garder que le flou.")
Consigne impérative: pour que ce site fonctionne
véritablement comme un "work in progress de littérature
fractale et interactive," il vous faut lever au maximum le niveau du
son, supprimer vos barres de menus et naviguer avec les liens,
les icones (images) qui sont aussi des "renvois".
Définition à laquelle on se doit de se plier et de faire
une génuflexion respectueuse devant les pré-curseurs du
Net Art: "oeuvre conçue spécialement pour le
support-medium, en exploitant les caractéristiques
intrinsèques: l'espace, le temps, le changement, la
résolution de l'antagonisme processus vs. produit."
Comme toute oeuvre de littérature "électronique" celle-ci
aussi est une composition hypertextuelle-multi-média, hic
et nunc qui devra évoluer à la vitesse de la technologie
si je ne veux pas me retrouver avec un 78 tours sans Gramophone - mais
on pourra toujours remasteriser.
Personnellement, je ne ferai jamais reporter mes pellicules argentiques
et cinématographiques sur un support Vidéo
Numérique. Quand mes projecteurs cinématographiques
auront rendu leur âme aux frères Lumière, ces films
seront devenus sans images, sans sons, sans sujet ... autant dire sans
objet. Et pourtant les bobines de films soigneusement conservées
existeront toujours - sans visibilité - comme le tableau
caché sous un drap dans un work in progress.
La
représentation de l'écriture électronique est
contingente, mais pas plus que celle d'une oeuvre musicale: entre un
Tépaz et une chaîne Esotérique il n'y a
guère de rapport et encore moins avec un orchestre acoustique.
Mais peut-on se contenter de cet état de fait? Les vendeurs
d'Auditorium de haut de gamme ne vous parlent que de restitution et pas
d'audition.
Ce 8eme art informatique est tout de même beaucoup moins
aléatoire que le 7eme art (du moins quand on le pratique). Les
nouveaux cinéastes ont tout intérêt à se
mettre à suivre les progrès de la Haute Définition
et bientôt de la vidéo 3D. Ecriture numérique /
cinéma numérique (LCD, DLP, Plasma) ... j'ai dans mes
tiroirs une lettre manuscrite de J.M.G.Le Clézio à propos
de laquelle mes amis me disent qu'elle sera bientôt "invisible"
car l'encre mauvaise s'estompe à la lumière ... et
alors si on laissait mourir les choses aussi condamnées à
disparaître. Les conservateurs entassent aussi.
Ce n'est pas parce que nous sommes
nous-mêmes inconservables, mais biodégradables, que nous
devrions tout protéger du passage du temps (et de
l'évolution technique) qui n'est lui-même que de l'espace
transformable.
Ainsi j'écris
en HTML car je sais que c'est le langage le plus simplement
répandu, en images JPEG ou GIF, en sons MP3 ou Wav ... et le
jour où il faudra changer, je troquerai mon porte-plume Sergent
Major contre un roller Faber-Castel (on me disait déjà
que le crayon de bois s'effaçait).
Mais oui, je veux bien laisser mon oeuvre (travail artisanal de Franc
maçon du tour du web) aux aléas de la réception
dont parle Jauss. Rien de plus sinistre qu’un site
désaffecté ou qu’un site mort. L’
écriture électronique se doit de rester vive.
Il y a toutes les raisons valables pour que la restitution de mon
travail ne soit pas fidèle à mon idée de
départ et ne soit pas la réplique de mon rêve
d'auteur. Ce qui me semble terriblement prétentieux et
divinement orgueilleux, c'est prétendre être lu et
compris exactement. La communication parfaite (sans parasites dans le
medium) est une utopie de financiers qu'on appelle autrement:
"communion" ou communauté tacite - les silences comme en
musique, en disent parfois très long. Il n’y a pas de
littérature sans soupirs.
Derrière tout cela, se cache l' angoisse de l'effacement. Alors
que de toute éternité il a été
programmé que tout devra être effacé: Pyramides
comprises. La terre, le ciel et ses nuages sont voués à
l'eschatologie. Il ne me reste plus qu’à écrire
avec un Criterium pour le retourner sans cesser afin d’effacer
les mots que je viens d’écrire.
Que l' oeuvre puisse être perçue, décriptée
par ma succession (enfants, amants ou amis) soit. Mais franchement, la
pérennité chère aux conservateurs de musées
n'a d'importance que pour eux et le Ministère de la Culture qui
veille sur le patrimoine. Je ne suis pas certain que l' Urinoir de
Marcel Duchamp et que nombre d'oeuvres du 1er au 9eme art auraient
dû être pieusement conservées sous cloche.
C'est dans L'écriture et la différence que Artaud et
Bataille ont conduit la révolte contre les fondements de
la métaphysique et qu'ils ont plus ou moins réussi,
grâce à une volonté de transgression que je veux
essayer de prolonger modestement.
La fin annoncée du livre-objet pose un problème
fondamental qui doit nous conduire à scruter la signification de
la métaphysique, qui repose tout entière sur un rapport
du dit et de l'écrit. Ce n'est pas seulement la
métaphysique, mais les champs du savoir qui sont
commandés par l'interprétation occidentale de
l'écriture. Un livre pour nous c'est une suite de lignes qui
s'efforcent de représenter une parole première (au
début était la littérature orale), proche de la
pensée-parole à voix basse.
Certains penseurs s’obligent ainsi à se tenir dans
une position inconfortable. La limite n'est pas une fin ou une mort.
Kant, déjà l'opposait à la borne, en ce qu'elle
peut nous révéler certaines choses sur ce qui nous
limite. Déconstruire la philosophie, ce sera découvrir un
certain "dehors" qu'elle a refoulé et interdit.
Autrement dire, autrement écrire pour réinventer la
psychanalyse comme Rimbaud réinventait l'amour.
Je
préfèrerai donner de l'amour et à manger aux
enfants qui meurent dans le plus parfait anonymat plutôt que me
préoccuper de comment une littérature électronique
aussi belle soit-elle sera toujours lisible dans cent cinquante ans.
Quant aux aveugles sourds et muets ... la technologie peut s'occuper
d'eux. Ce n'est plus de la science-fiction, on sait qu'on peut
implanter des puces dans le cerveau pour que certains aveugles et
certains sourds deviennent miraculés.
Certain qu'avec un pareil discours, les prolétaires du texte (et
pas les écrivains prolétariens) n'iront pas s'y frotter
et doivent échanger le stylo-bille contre un clavier, même
made in China. Mais bon; qu'ils se rassurent: l'espace, le temps, le
changement, ils doivent pouvoir trouver ces produits un peu partout.
Les SMS avec des gifs animés de filles nues qui se
trémoussent, c'est du déjà passé. A l'heure
où j'écris les gamins mettent en réseau sur leurs
téléphones mobiles des snuff-movies. Les viols collectifs
seront bientôt au hit-parade. Vive la technologie et ceux qui
encaissent les dividendes. Je connais trop d’e-lecteurs qui
rêvent de censure.
Il va falloir que je mette de l'ordre dans mes idées confuses...
dans mes sales pensées si je ne veux pas me faire effacer de
tout serveur.
Je veux pouvoir prendre une plume libre comme un "marteau sans
maître", un feutre de piano sans métrique. L'ordre dans le
désordre un peu comme l'anarchie est l'Ordre moins le Pouvoir,
c'est une question de pertinence.
Mes vieux manuscrits me font penser aux petites gares de campagne
désaffectées et envahies par la "nature qui a repris ses
droits" avec des "roues usées" et des "lignes mortes" à
la Eluard ... des marteaux de machines à écrire qui ont
perdu leur maître et des lignes d'encre effacées par le
jaunissement du temps. On se presse à scanner les anciens
parchemins qui tombent en poussière pensant avoir trouvé
le philtre de l’ Inaltérable. On en a inventé des
technologies pour retenir tout ce qui s'en va, emporté par le
vent.
Par l' écriture électronique on peut enfin organiser la
mise en forme - textes, images et sons - et la circulation en
réseau pour exercer une "fausse" mise à nu curative comme
le funambule se lance à pas de souris sur le fil du rasoir.
"L'objeu" dont parlait Francis Ponge, enfin prend corps; le jet de
l'objet "dans le jeu", le bol cassé des mots. Le retour du jeu
dans la parole morte d'être dite (mais pas écrite) un peu
comme dans une psychothérapie . Le "métier" (qui n'en est
pas un) d'écrivain, rétribué par l'éditeur,
se transforme en celui d' e-criturien, même pas
rétribué par le fournisseur d'accès et cela pose
du même coup la question de la propriété et des
droits d'auteur.
Un linceul n'a pas de poche et il vaut mieux pour vivre, faire un vrai
métier, maçon ou menuisier (toujours utile en cas de
malheur).
Mes icones (icônes) sont comme des reliques qui témoignent
d'un passé dont je me sépare sans jamais renoncer
à m'en séparer. Ce sont aussi des "pièces à
conviction" de folie et de délire durable. Ici, les images sont
des doubles de la réalité en même temps qu'elles
sont des "imitations-métaphores" et tragiques. Pas de
littérature sans comparaison écrivait Robert Musil. Les
icones électroniques peuvent être aussi cathartiques
(purificateurs). Le virtuel n'est-il pas une imitation de la
"réalité sensible?" (cf: le virtuel tactile).
Molloy, Malone et l' Innommable (peut-être mes véritables
3 sources avouables) aspirent au néant qui par l'écrivain
finirait presque par prendre consistance. Ce serait bien qu'un jour, on
se décide vraiment (et pas seulement les intellectuels) à
interroger l' Extérieur comme on fouille dans une poubelle pour
prendre conscience de ce que la "bonne" société rejette
sans cesser.
Dieu est définitivement parti et absent, et on se retrouve
là comme des idiots avec la mort dont on ne sait que faire. Le
pire est certain et toujours à venir. On peut toujours errer
dans les églises comme un chien fou qui est entré
à l'intérieur sans le savoir et ne retrouve plus la
sortie tel un poisson pris dans la nasse.
Quant au Nautilus il est peut-être fabriqué en sapin et
capable d'emmener son équipage là où on se perd
définitivement, là où se taire enfin, vaut mieux
que parler.
AUTORITÉ LITTERAIRE ou DE LA
NECESSITE D'ECRIRE
Page dédiée au Wiki Wiki Web .... Malus .... Mal de
texte et livre perverti... perverti par l'usure du temps ...
détourné de sa fonction première: "être
lisible-visible".
Jadis dans les sombres sous-sols (car dans la lumière tout
est soluble) les ouvriers de la Bibliothèque Nationale en blouse
grise luttaient pour protéger les manuscrits des ravages du
temps. Au XXIeme siècle, la plus grande perversion est devenue
l'excès de communication, l'excès de lisibilité.
Tous les palimpsestes ont retrouvé leur jeunesse profane. Tant
et tant auront lavé pour rien des papyrus comme ils
effaçaient les tablettes d'argile, ardoises magiques avant
l'heure, pour les recouvrir d'écrits théologiques
condamnés à disparaître à leur tour. Big
Google aussi est à la recherche d'un effet palimpseste qui
permettrait sans les effacer de mettre les liens non
réclamés au rebut. Un livre même paré d'une
certaine beauté restera toujours dans l'espace de l'imparfait et
de l'éphémère.
- a contrario
Le livre existe: il est là, posé sur la table du
café à côté de la tasse, comme le jour
où un éditeur m'en déposa six specimen pour la
promotion. Tout de suite, j'étais allé voir en 3eme de
couverture les lignes écrites qui me fascinaient le plus:
"Achevé d'imprimer pour les éditions... sur les presses
de...". J'ai toujours pensé que le nom de l'imprimeur, de
l'artisan qui fabrique la reliure, qui fait des pensées
couchées sur le papier un objet, devrait être écrit
en caractères gras sur la couverture, au même titre que
celui de l'éditeur.
Sans les bons soins de l'éditeur, le texte ne serait jamais
devenu une œuvre. Il allait falloir que j'apprenne à m'en
passer.
J'écris par nécessité: qu'on me coupe les mains,
je trouverai encore un moyen, non pas pour écrire avec la
bouche, mais pour faire de la littérature.
J'écris comme aurait dit Husserl en prenant comme
référant l' existant absolu, sans personne qui me regarde
par dessus mon épaule.
J' autorise moi à faire de la littérature, sans
excuse aucune, avec des tonnes de bonnes raisons:
mon père est vraiment mort à 39 ans quand j'en avais 11
ma mère est vraiment morte après plusieurs stations sur
le chemin du calvaire des graves maladies
mon chien qu'on m'avait offert pour me consoler de mon père est
vraiment mort 2 ans après
mon meilleur ami est vraiment tombé "lucide" avant de se
suicider en se jetant du haut d'un pont sous un train
mon ami flûtiste à l'orchestre symphonique s'est vraiment
tué, écrasé dans sa voiture par un 30 tonnes
notre petit chien noir est vraiment mort dans mes bras
on a vraiment fait pleurer notre petite fille de 10 ans en
divorçant
mon ami de chambrée d'étudiant s'est vraiment
suicidé en s'étouffant avec un sac plastique
ma petite amoureuse écrivain s'est vraiment suicidée
à 30 ans et ses cendres sont vraiment été
versées dans l’urne qui repose dans la chambre de sa
mère
mon grand-père que j'ai tant aimé est vraiment mort avec
des tuyaux partout dans un stalag de CHU en préfabriqué
mon vieux copain de cénacle philosophique s'est vraiment
tué sur la route en rejoignant sa maîtresse
mais non ce n’est pas du pathos, juste un constat et un
procès verbal ... "I remember"
Trop de morts m'interdisent de me taire
Mon ciment vital est un ossuaire
Mon village natal, un enclos paroissial.
- J' écris car c'est une autre "manière de ne rien
faire", car faire on le sait depuis que l'homme est faber
j'écris car un livre est comme un piano: on peut jouer tout
l'orchestre avec le clavier;
un livre peut être comme une dalle que l'on grave
comme une pierre érigée par des esclaves
comme une peau que l'on marque au fer rouge
comme un cahier d'écolier
comme les traces de fumée blanche laissées par les avions
dans le bleu du ciel.
comme des lettres éphémères creusées dans
le sable et que la première vague efface
comme une histoire qu'on racontait aux enfants
comme un tragédie qu'on allait voir quand on ne savait pas
encore écrire
comme une brique de bibliothèque .
- J' écris comme on crie avant d'y passer, j'écris car
j'ai encore la possibilité de ne pas pouvoir faire autrement.
- Je n'ai jamais autant parlé avec ma mère que depuis
qu'elle est morte. Elle est entrée en moi et me parle de
l'intérieur comme jadis j'étais en elle.
Et moi, j'écris aussi tant que je suis encore au-dedans avant
(par ma mort impossible) d'être jeté au dehors comme je le
fus déjà une fois, expulsé dans le monde. Je ne
peux pas m'empêcher d'écrire pour corriger, pour me
racheter, pour rectifier. Je me demande parfois si je n'exhibe pas sur
le net que des ratures, des corrections, tant que la vie me le permet
encore.
- Je me demande si je serais capable d'écrire sans la
rhétorique de l'oxymoron sachant que nous sommes
condamnés à passer de tout à rien avec une
incroyable légèreté,
- Je me suis constitué une petite base de données avec
des bouts de papier-fichiers textes, avec des morceaux de musique-MP3,
avec des photos découpées-jpeg, à coller, avec des
petites images animées; dans laquelle je pioche pour "trouver
mon bonheur": c'est comme un jeu d'enfant et je comprends que l'
installation, comme on dit dans les musées , puisse être
une tentation.
Qu'on me donne de la colle et des ciseaux pour refaire le monde
à ma façon avant d'être forcé
d'écrire avec mon doigt à vif et dégouttant de
sang sur les murs d'une cellule.
- Je sais que ce qui attire les mots ce sont les images et je ne
pourrai jamais y renoncer (même aveugle) . Les mots suscitent
d'autres images à leur tour.
- J'ai toujours vénéré mon grand-père
à cause du fait qu'il avait construit lui-même sa maison
(avec deux amis) et manié la Truelle, la Pelle, l'Equerre et le
Fil-à-plomb. Sa fille aussi fut fière de lui toute sa
vie;
- "Et toi, mon père, que fais-tu?"
- RIEN, juste écrivain et cinéaste du dimanche, pour
éviter le vide de la vie et mourir de trop d'afflux... Mais je
m'en fiche, moi, j'écris mon truc comme on bricole sans fin dans
un sous-sol, à fabriquer une machine célibataire. Je ne
sais pas si la vie est une "vaste rigolade" comme s'était
laissée aller à dire Duras, mais je suis certain que
c'est tous le jours sur la corde raide avec un gros bricolage; c'est
sans arrêt du rafistolage, on aménage, on répare,
on s'arrange.
Je suis le facteur Cheval de l' internet. Je construis ma chapelle
protectrice, brique à brique. J'aimerais qu'on visite mon site
comme je me promène dans ma grotte idéale contruite
en gifs et en langage html . Dans les mots comme dans les
images et les musiques, il y a du déjà sculpté:
alors je fais de la franche maçonnerie et fabrique du sens. Je
continuerai toujours et charierai moi-même tous les mots. Un
travail éternel comme le repos.
- Gosse de 15 ans, je lisais Le Révolver à cheveux blancs
de Breton et jurais de me souvenir toujours de ces deux vers:
"A cette heure où des milliers de canards de Vaucanson se
lissent les plumes
Sans te retourner tu saisissais la truelle dont on fait les seins"
Mon père, inspecteur aux Postes et
Télécommunications me racontait ainsi, souvent, des
histoires de messagers. Bientôt personne n'apportera plus aucune
lettre dans les boites qui ne renfermeront plus que publicités
et factures.
Ferdinand Cheval,condamné à entasser les plus
beaux cailloux du chemin pour fabriquer son rêve.
- Le problème c'est qu'on lit un livre électronique comme
un e-mail. Personne ne vous l'a vendu , pas plus de porteur de lettres
que de livreur de livres.
- Une vieille amie des années fac, Violaine Fleur m'a
téléphoné, alors qu'elle est à la retraite
prématurément de par sa cécité intervenue
une veille d'épiphanie après une chute de vélo.
Tout ceci serait sans importance si ce n'était le fait que
devenue écrivain je luis conseillais de juste politesse la
lecture de mes livres et la visite de mes sites littéraires: ce
qui provoqua sa colère-folie et ma honte infinie. Internet c'est
bon pour les voyants et surtout pas pour les manchots sans yeux.
Après le virtuel resteront à inventer l'hologramme
palpable et les écrans tactiles comme on en rêve dans les
romans de science-fiction les plus téméraires. Le
numérique n'a de cesse que de réinventer l'analogique.
Les premiers holoscreens sont émouvants et font surtout
rêver les publicitaires et bientôt les installateurs de
web-art; mais le jour où on pourra toucher le corps d'une image
il faudra faire attention de ne pas attraper une nouvelle maladie
électronique.
- L'âne bâté , les yeux bandés tourne dans sa
nuit autour du puits.
- Le moindre aveuglement et le moindre silence nous rendent
complices...
et nous le sommes de plus en plus par la faute de médias et
maintenant du net: nul n'est censé ignorer l'actualité
même si celle-ci est celle des antipodes.
Nous sommes considérés comme coupables si nous faisons
trop couler l'eau du robinet en nous lavant les mains, coupables si
nous rejetons trop de gaz carbonique avec la voiture (alors que
Tchernobyl a son sarcophage qui fuit de partout et que le
deuxième que l'on va construire sera le plus grand monument du
monde - Ce projet, d'un montant d'environ 760 millions de dollars,
financé par la BERD (de l'ordre de 710 millions) et par le
gouvernement ukrainien (50 millions) prévoit la construction
d'un nouveau sarcophage (New Safe Confinement - NSC) dont le concept a
été choisi en 2001. Le nouveau sarcophage sera
constitué d'une double enveloppe métallique formée
de quatre segments en forme d'arche de 37,5 m de long, de 245 m de
portée intérieure et de 100 m de hauteur
extérieure. Sa durée de vie est estimée à
100 ans. - ) , coupables si nous fumons, de tuer les autres autour de
nous, coupables si nous buvons de coûter cher à la sociale
sécurité, coupables si nous avons des rapports sexuels
sans préservatif de risquer donner la mort à l'autre,
coupables de sourire à un enfant qui revient de
l'école... COUPABLES! et cela résonne comme la honte dans
la tête de Joseph K. quand on lui enfonce le couteau dans le
cœur. Doutant parfois que le monde soit absurde, j'ai honte du
sens qu'il a mais loin d'être caché comme jadis (je
connus un temps avant les images) il est présent dans toute son
obscénité face à notre regard sur n'importe quel
"terminal". On disait des premiers postes de télévision
qu'ils étaient une fenêtre ouverte sur le monde
(misérable trou de serrure dans lequel les vieillards ont les
yeux collés) alors les ordinateurs et leurs grands écrans
plats sont des baies vitrées panoramiques.
On écrit toujours dans l'ignorance car on ne peut pas tout
vérifier, tout étudier, tout voir et tout entendre sur la
giga-encyclopédie du web et sur les news en direct de tous les
points de la planète Terre. Big Brother a fini d'être une
anticipation depuis belle lurette et il y a des caméras dans les
ascenceurs, en Chine.
La barbarie qui traverse l'occident ne réussit même pas
à chasser l'ennui profond des petits bourgeois. L'avantage de la
peur visible partout, sur la télé de 20h ou sur
l'ordinateur intime dans la chambre de l'adolescent, c'est qu'elle est
un rite funéraire et qu'elle fait consommer par consolation. On
nous fait croire que nous sommes passés dans l'ère post
"major event" mais alors à quoi donc ont servi les grandes
guerres, les grandes épidémies, et les grands
tremblements de terre - la terreur du "tremere" - Une maison qui
s'effondre doit-elle comporter plusieurs centaines d'étages pour
faire réfléchir le monde? Le Dieu jaloux a détruit
les ziggourats de Babylone en semant la confusion des langues mais
aujourd'hui les ouvriers étrangers ne se parlent plus que par
geste pour ériger le Financial Center avec des bureaux
directoriaux au-dessus des nuages et des maisons basses...(Taipeh
:508mètres)
Je ne parle pas du projet de l'architecte français en Chine qui
veut encore jouer à Babel avec des Twins Towers de 514
mètres Ah! des hélices qui percent les cieux
et font la nique à Dieu. Mais les financiers américains
sont obstinés et décident de revoir leur projet de la
Tour de la Liberté construite par un architecte d'origine juive
polonaise afin qu'il soit encore le plus haut du monde (Big of the
univers) avec le symbolique 610mètres.
Certains observateurs affirment que Larry Silverstein, aidé ou
non d'autres investisseurs, aura les plus grandes difficultés
à faire revenir les entreprises dans le quartier, au moins avant
la fin du chantier. Le mémorial dessiné par
l'équipe de Arad, Walker et Bond pour occuper
l'espace "libéré" par les tours jumelles serait, selon
eux, difficile à concilier avec un quartier d'affaires. Les
mêmes observateurs vont jusqu'à imaginer que Silverstein,
une fois le montant des assurances acquis, serait tenté de
revendre son bail. Une hypothèse peu plausible : le promoteur a,
en fait, sollicité plusieurs architectes de stature
internationale (Jean Nouvel, Fumihiko Maki, Norman Foster) pour
édifier les autres tours du projet Libeskind, ce dernier ne
gardant qu'une moitié de la Freedom Tower et un droit de regard
sur l'ensemble du site.
Décidément, il est dit que RIEN ne rabaissera jamais l'
Orgueil des Fous de l' Argent ("Money" comme chantaient jadis les Pink
Floyd). Et ils continuent à proclamer que c'était
l' Event Major du monde... pour que d'une certaine façon toutes
les autres horreurs du monde (y compris l'Amérique) deviennent
"Minor events"
Capture d'écran du site de Jean-Paul Trichet :
http://jeanpaul.trichet.free.fr/e-lecteurs.html
L'étrangleur de Remington place <Sarte_le-mur.mp4>
ou (OLP oblige - ouvroir - travailleuse - travail: torture) de fil en
aiguille à la façon de Pénélope et du
Couseur de chants.
Avertissement: comme on écrivait jadis en inter-titre, au
cinéma, avant le VISA de CENSURE: on demande au spectateur de
vérifier si ce film est visible par des mineurs (à cette
époque lointaine, moins de 21 ans) ... et je propose aux
e-lecteurs de faire la part du vrai et du faux, sachant que la
vérité est aux toilettes - merci aux "Yes Men"...
Certains hoax se sont glissés dans le site par pure perversion
car le no man's land de l'écriture électronique est pain
béni et encore territoire inconnu.
Grand adorateur de la radiophonie, du cinématographe et de la
télévision, je me souviens de l'émission d'Orson
Welles et d'Herbert George Wells, sur les Martiens, qui tels des
ennemis terrestres envahissaient leur propre Terre et créa la
panique parmi les auditeurs ...Trente ans plus tard Peter Watkins
renouvela la vraie-fausse nouvelle avec La Bombe faux reportage
pédagogique sur la peur de l'explosion nucléaire.
Mais en littérature les Poèmes d'Ossian relevaient
déjà de l'idéologie subversive des hoaxers. Au
XXeme siècle Romain Gary réussit une supercherie majeure.
Le premier faux clonage d'être humain fut aussi un coup
médiatique "hoaxé" et osé. Rien que du bla-bla
comme disent ceux qui n'aiment pas lire, rien qu'une fausse rumeur,
rien que du vent. Quant au "major event" du 11/09 les partisans d'une
thèse complotioniste sont de plus en plus nombreux.
Et pourtant ... mon proverbe
préféré demeure: "Parler pour ne rien dire".
.. simplement pour le simple fait qu'il m'a toujours renvoyé
à la bouche comme une mauvaise salive : Ecrire pour ne pas
parler, écrire à voix basse, écrire pour apprendre
à se taire, car du jour où il tombait des cordes sur le
cimetière de mon père et où la dalle avec ses
lettres d'or de naissance et de mort, est retombée sur la
dépouille d'un bruit sourd en même temps que claquait le
tonnerre, je n'ai jamais pu me résoudre à croire que je
pourrai parler à quelqu'un et que quelqu'un pourrait m'adresser
la parole.
En
découvrant la littérature épistolaire (y compris
celle dont les auteurs avaient interdit la publication posthume) je
comprenais ce qui était le comble et la perversion de la
littérature. On n'écrit pas pour le public, en même
temps quand on écrit c'est toujours au moins pour un Autre
fictif, mais pas pour soi. Le journal intime n'a qu'un but (c'est la
lettre cachée) être un jour découvert et connu par
le plus grand nombre (cf : "La confession impudique" de Tanizaki).
Vers ma vingtième année j'ai délaissé mon
orange mécanique (machine à écrire italienne) pour
revenir à la plume d'or qui gratte le papier de Hollande en
attendant les ordinateurs, pour l'unique raison que je détestais
le graphisme de mon écriture. J'ai été
élevé à coup de "tu écris comme un cochon -
ton écritutre est illisible" ... ce qui ne me laissait pas
beaucoup de chance pour communiquer. Les notaires font de la
calligraphie et les médecins continuent de mal écrire. La
Machine à Ecrire, dans laquelle je ne voyais qu'une
prothèse, devenait ma seule chance de me tirer de ce mauvais pas.
Je ne connais plus que les professeurs d'esthétique pour avoir
une "belle écriture"mais tellement artistique qu'elle en devient
illisible. J'ai connu bien des chercheurs d'emploi à qui les
spéculations du graphologue de service faisaient peur.
De même, utilisant une référence toujours
chère mais en flirtant cette fois du côté du
traitement de l'image et de la puissance de calcul , les publicitaires
de la pomme croquée (l'un des deux inventeurs était au
régime jus de pomme - enfin un logo qui fait sens!) passaient de
Gutenberg à Léonard de Vinci lui aussi inventeur de
machines fabuleuses.
Ce n'est qu'en 1992 que je suis passé à l'ordinateur
portable pour pouvoir écrire sur mes genoux croisés comme
ceux du scribe pensant pratiquer le retour à l'origine car
l'écriture littéraire est toujours une tentative de
retour aux sources du langage.
En allant vite dans le temps (comme le dénonce Paul Virillo)
mais en ne sentant plus le déplacement du voyage (enfant quand
je téléphonais à New York il y avait un temps de
retard pour que la réponse parvienne - comme aujourd'hui avec
la télévision numérique ce qui permet de
constater que DIRECT n'est pas simultanéité - ce qui peut
laisser prévoir une forme de censure, coupe même dans le
flux du direct.) on a l'ordinateur sur les genoux et sur la plage, on
peut écrire et communiquer partout où passent les
micro-ondes du WI-FI. Alors que, vanité des vanités,
l'aller et retour dans le temps n'est qu'un aller sans retour dans
l'espace: ce n'est pas parce que je j'ai l'impression d'être
ubiquiste que je ne vieillis pas.
Ainsi il m'est arrivé d'écire (work in progress) de
verser sur le serveur, et de recevoir un mail dans les heures qui
suivaient (7h tout record battu).Le temps du courrier à l'auteur
tendait à disparaître et commençait à me
rappeler le regard du maître d'école derrière le
dos de l'élève.C'est fort gênant de sentir
quelqu'un lire par dessus vos épaules en même temps que
vous écrivez. Après-tout: rien n'empêche un
écrivain de se mettre en scène avec une web-cam au moment
précis où il écrit. Mais nous sommes dans
l'ère du désenchantement (scientifique) et la
littérature médiatisée n'est plus de l'ordre du
secret.
Même la chambre noire du photographe avec la lampe rouge (comme
au bordel) interdisant de pénétrer, a disparu avec le
numérique.
On dévoile tout. Le work-in-progress sera désormais sous
un tulle transparent. La déplorable attirance pour les Making
off et autres coulisses de derrière les rideaux est une
véritable obscénité qui ne peut déboucher
que sur la déception.
Même si parallèlement je peux envoyer un mail à un
e-lecteur et que celui-ci me réponde plusieurs semaines
après comme si c'était une malle-poste qui lui avait
livré le message avec deux chevaux attardés. La distance
et l'instantanéité deviennent illusoires à part
égale.
Mon premier référencement date précisément
du tout premier forum dans lequel j'ai lu le mot d' e-lecteur,
à savoir Zazie-web: "LA COMMUNAUTÉ DES e-LECTEURS" qui me
renvoyait au fantasme de l'e-book (aujourdhui à la feuille de
papier-électronique-à-mémoire au format A4,
capable de mémoriser 500 livres) et d'une bibliothèque
que je pourrais choisir petite comme une urne en bois précieux
enfermant mes 3000 volumes très lourds à
déménager. Cet e-book pourrait être lui-même
enfermé dans un coffret du plus beau cuir animal et doré
sur tranche par d'épaisses feuilles d'or. Où serait le
scandale si en plus cet ouvrage bourré
d'électronique était rouge vermeil et posé sur un
lutrin dans une pièce pas plus grande que des toilettes et qui
ressemblerait à un petit cabinet de lecture: comme le lieu
d'aisance où le philosophe aimait lire.
"JAMAIS on ne lira un livre sur un ordinateur de poche" affirment les
iconoclastes paradoxaux.
Nous ne sommes plus au VIII eme siècle et tout le monde se
soumet au culte des images.
Les enfants qui résistent affirment encore qu'un livre de
"VALEUR" est un livre sans image.
---- Du texte, rien que du texte et encore du texte (sauf pour la
littérature électronique où l'idée
même est exclue. Mais si l'on considère les progrès
de la technologie (comme le téléphone à
l'étranger) et que l'on feuillette les livres comme on le fait
à la nouvelle BIBLIOTHEQUE D'ALEXANDRIE (célèbre
pour ses 700 000 rouleaux de papyrus), en passant son doigt sur
l'écran tactile lui-même posé à plat et
aussi mat qu'une feuille blanche ... on se demande?... si les
bibliothèques ne vont pas se vider de leurs lecteurs sans e- ?
et je suis bien placé pour le constater. Parmi les
élèves de terminale le COPIER-COLLER règne en
maître et sans vérification des sources. Pourquoi
consulter le très lourd TLF publié par le CNRS en 16
volumes alors que celui-ci est sur le Net avec un remarquable moteur de
recherche? Pourquoi consulter l' Encyclopedia Universalis, pourquoi
feuilleter un Atlas quand Google Earth vous offre tout le globe!
... (je ne parle pas des publications scientifiques) ... mais par
contre pour lire un roman de Julien Gracq il nous faut toujours (pour
l'heure) prendre le coupe-papier et découper les pages d'une
édition Corti pour mériter le texte. Jadis et
naguère le copié-collé existait
déjà: Bartok et d'autres ont "empruntés" des
thèmes populaires qu'ils avaient souvent, uniquement
mémorisés par audition (sans notes ni
magnétophone).
Il y a quelque temps, après avoir rédigé un
Mémoire sur Jean-Marie Gustave Le Clézio (qui affirmait
qu'il n'écrivait que pour communiquer avec les autres: ce grand
timide) , 1 - je me décidais à lui écrire (avec
mon stylo bic) 2 - (la réponse tardant à venir) à
sonner à sa porte (à Nice) entre temps sa lettre me
parvenait - ce qui ne m'a pas empêché d'aller appuyer sur
le bouton en cuivre du timbre de la sonnette du troisième
étage.
Je possède toujours sa lettre (comme celle d'autres
écrivains) et telle une RELIQUE je peux toucher le papier et
sentir l'odeur passée de l'encre. Un mail d'un e-lecteur
reçu, lu, non-imprimé et effacé (jeté
à la poubelle par pur plaisir de l'analogie) n'a pas grande
saveur même si c'est de l' INSTANTANE. En cela le
numérique virtuel (à moins d'atteindre au cinéma
tactile et parfumé de la science-fiction) restera toujours
en-deçà.
Pourtant l'instantanéité de la communication peut avoir
de l'influence entre lecteur - auteur - lecteur.
J'écris, je publie (j'édite), l' e-lecteur lit, imprime
(print) , réfléchit (un certain temps ou pas du tout) et
répond de suite à l'auteur par le MAIL-TO. Horrible
immédiateté!
Si je lis un livre de littérature acheté mardi en
librairie, le temps que je le lise, que j'y réfléchisse
et que je trouve une fausse adresse (celle de l'éditeur) pour
écrire à l'auteur: il va s'écouler de l'eau sous
les ponts qui fera même que l' AUTEUR pourrait devenir un
célèbre mort.
Bref, je considère que la spécificité de l'
e-lecteur est de pouvoir être vivant en même temps que l'
e-criturien, moi qui ne parle que de la mort. De même l'e-lecteur
s'approprie une nouvelle technologie pour communiquer
(honnêtement ou non) avec son identité ou par un
pseudonyme à une autre identité ou un autre pseudonyme,
même si la pratique du pseudo ou de l'anonymat n'est plus
très fréquente dans les médias (il convient
d'être re-connu) . Je n'ai qu'un exemple contemporain de livre
anonyme (et encore?) dans ma bibliothèque. Tout le monde sait
qui était Emile Ajar ... depuis le risque de
non-rétribution est trop grand!
Enfant, j'allais souvent me promener et visiter les trouvailles de
Vinci "da Code" au Clos Lucet, à côté d'Amboise et
de Tours où mon père est mort à mes 11 ans. Ses
folles machines d'anticipation (y compris l'hélicoptère)
me ramènent tout droit à la publicité des premiers
ordinateurs Apple (qui vous invitait à être Gutenberg) et
du secret de l'anonymat. Vinci me ramène à Verne et
Verne à Nantes (moi le pur Nantais, même s'il vécut
à Amiens). Si Jules Verne et le Capitaine Nehemo avaient pu
recevoir des e-mails d'un industriel de la NASA, celui-ci lui aurait
dit qu'ils avaient raison de prévoir le lancement de la
fusée de la terre à la lune à Cap Canaveral.
Dès lors, aucun regret de ne prêcher que la mort pour tout
le monde (la communauté) car on ne risque rien et ne fait que de
l'anticipation tragique à bas prix.
Et pourtant, quelques e-lecteurs me surprennent en flagrant
délit d'un crime commis il y a plusieurs millions
d'années, quand un singe-ancêtre a pensé que ce qui
arrivait (il ne se passe jamais rien, parfois il arrive des choses)
à son congénère allait nécessairement lui
arriver à lui aussi et m'écrivent (bêtement) pour
me dire: "Mais oui, je vais devenir "adepte" de votre "site". Tout ceci
me fait penser à une réplique des "Visiteurs"
(évoquée comme ritournelle par un adolescent de mes amis)
"On va tous y mourir". Et si on s'en tenait à cette simple et
unique évidence, un lien fort (non hypertextuel) nous tiendrait
uni. La représentation du tragique et l'introduction de la
morale pourrait améliorer le politique. Mais les
acamédiciens ne pourraient plus être des Immortels.
Je me suis lancé dans l'e-criture électronique, surtout
et avant tout pour une spécificité que je n'avais
trouvée nulle part ailleurs, même pas dans le
cinéma: je voulais avec la lecture d'un texte donner à
voir - ou ne pas voir - une image et que les lecteurs puissent me
donner leur avis sur l'influence de l'image sur le texte ou au
contraire le refus de voir une image dite "insupportable".
L'idée d'éditer le livre et d'envoyer au lecteur sur sa
propre demande la photographie m'était alors venue.
Ce devait être possible sur quelques exemplaires mais cela
allait en plus poser des problèmes de droit: c'est du moins ce
que me répondaient tous les éditeurs. Tout cela
était tout aussi difficile à obtenir que des gros
caractères en couleurs ou des insertions CDRom entre les pages.
Bref je touchais du doigt la pratique de l'idée
d'interactivité que je détestais à l'époque
car elle était réservée aux "jeux
électroniques", en ce sens que je voulais la faire ressembler
à un véritable dialogue.
Puis un informaticien de mes amis m'a proposé de faire un site -
ce qui résoudrait tous mes problèmes - y compris du
côté de la bande sonore.
----- Mais je continuais à me demander si les lecteurs qui
passeraient la page image du texte, "consentiraient" à me
contacter.
Sans vouloir enfoncer le clou qui chasse l'autre j'aimerais en revenir
à la "définition" de la littérature selon Maurice
Blanchot : en effleurant la question du neutre, de l'art et du
sacré, du récit et de l'idylle, de la figure du Media
Noche, des récits de Jean-Paul, de Kafka et de
Kierkegaard. Les eaux noires et profondes dans lesquelles navigue le
véhicule de Nehemo en même temps que celui de la
littérature sont celles de l' Attente, celle dans lesquelles on
se plonge quand on fait l'exercice de la patience. La mort n'en finit
pas d'arriver.
D'une certaine
façon, l'e-lecteur qui écrit à un auteur a envie
de parler à un mort-vivant. La communication électronique
me place comme e-criturien en totale synchronie avec l'e-lecteur.
Partant de là, je veux bien écrire dans l'espace de la
poesis, de la praxis et du métexis. Ecrire, c'est aussi se
salir les mains. Ce sera une écriture noire pour une lutte
blanche (perdue d'avance) et internet en sera le lieu qui sera de plus
en plus commun.
On trouve tout sur internet (gratuitement) , tout le monde peut
participer (pour l'heure avant le retour de la Censure douce) et tout
est à tout le monde. Tous les sites sérieux se font un
honneur de placer un lien invitant le visiteur à dénoncer
les débordements des autres.
Continuum................................ : Du jour (qui était
une nuit) où enfant j'ai connu la mort, je suis tombé
dans le Grave en étant dispensé du Sérieux et
j'étais condamné à me débattre contre l'
incommunicabilité. La solitude existentielle imposée par
la mort de mon papa-dieu allait devenir invivable. Je me retrouvais
"seul" avec la mort (sa mort + ma mort) qu'on allait désigner
pour moi du nom d' absence ... et tout à ré-inventer. Mes
parents qui m'aimaient tant avaient tant fait... et je me retrouvais
avec tout à refaire: tâche que je pressentais impossible.
Comment vivre avec autant de manque à
combler? L'échelle de Jacob ne monte nulle-part mais on
peut toujours en gravir les échelons: lire, voir des films,
écrire, fabriquer des films... Faire un site Interactif,
multi-médias.
Enfin père moi-même, je découvrais avec ma petite
fille, l'instantanéité de la communication écrite
par les oreilles en caoutchouc de l'année 1982 - et ne pouvais
me retenir d'espérer que la communication entre les individus
éloignés devienne l'enfance de l'art.
Un ami me confirme qu'il ne peut aller sur mon site car
après il n'a plus goût à rien mais que sa femme est
devenue une "adepte" me donnant ainsi la preuve de la
réalité de ce que je crois être une
communauté.
Un autre très vieil ami, professeur de Latin et de Grec
m'a boudé le jour où je lui ai demandé de me
servir de correcteur de coquilles, autrement appelées
fautes d'orthographe.
Attention aux fautes
m'a écrit un des papes de l'écriture électronique.
Pas la lettre qui manque, pas la lettre mal placée (elle aussi
dans un réseau orthonormé) mais le manquement à un
Tu-dois moral de la belle et bonne écriture.
Constatation obligée que si on se trouve être un
prolétaire qui ne connaît pas l' Ortho-Graphe mais, bien,
les ordinateurs, on n'a plus qu' à se taire, à enfiler le
capuchon sur le stylo, à retourner au silence originel de sa
classe sociale.
Un autre m' a écrit: "Tu
n'as pas peur de conduire des jeunes de moins de 18 ans, au suicide".
D'où une panique qui suivit et m'a contraint à porter une
interdiction fictive aux mineurs ... qui ne s'empressent pas d'aller
sur le site (ce sont les adultes qui paient les abonnements)
très décevant pour eux.
La chair est triste mais je n' ai pas lu tous les livres alors le doute
s'instaure.
Ceux qui conduisent les autres aux "nouvelles formes d'esclavagisme"
n'ont pas peur des nouvelles technologies.
La plus redoutable de toutes les
interventions fut celle d'une habituée qui m'envoyait des
"reproches" très estimables qui m'ont, finalement conduit, par
un abus de pouvoir (de sa part) à m'auto-censurer dans un
premier temps car je trouvais ses remarques "justes et
justifiées", puis dans un second temps, à changer
l'adresse du site ... Mais avec les progrès des moteurs de
recherche, l'e-lectrice m'a rapidement retrouvé : comment
échapper aux indésirables (mineurs ou autres?). La toile
du web n'a rien à voir avec une vitrine choisie du Quartier
Latin.
Reste, qu'à bien y regarder on m'écrit le plus souvent
pour me demander pourquoi tel "icône" ne s'ouvre pas? tel son
n'est pas audible et surtout pourquoi "ON REVIENT A LA CASE DEPART" (de
l'importance de la symbolique du "Jeu de l'Oie") : ce fut l'un de mes
premiers véritables e-lecteur sérieux qui me portait
à m'interroger sur mes trops longs chemins (LIENS
LABYRINTHIQUES). <indexrepetita.html>
Enfin pour conclure, je me dis (hic et nunc, mais cela ne va pas durer
- trop longtemps , j'espère) que le seul type de communication
que mon humble tentative a réussi est du type : Le
répondeur de l'émission radiophonique de Daniel
Mermey :Là-bas si j'y suis ou "Le téléphone
sonne". Le fait est, un jour viendra, nous irons tous voir ailleurs si
nous y sommes.
je m'étais dit
(au départ, en me rassurant) l' avantage, c'est qu'on ne peut
pas recevoir de lettre électronique anonyme.
Mais avec les progrès techniques , je me suis aperçu que
cela était faux et je me retrouvais enfermé dans la case
départ.
Le funambule est mort quand il monte sur le fil. <desnos.wav>
Plus le temps passe, plus je pense
que mes plongées dans les abysses de la littérature
ressemblent au saut à l'élastique où alors au
largage des amarres.
Comme une vague qui vous assomme en vous frappant la nuque quand vous
êtes sur le point de remonter vers la plage.
Quand la grande catastrophe finale arrivera, je m'y serai
préparé, j'aurai anticipé et me serai fait tout un
discours à coup de futur antérieur. Dans tous les cas de
figure tout se mesure à l'échelle de l'expérience
ultime.
<independence.mov> Petit épilogue pour ceux
qui opposent la dépense à l'économie selon Georges
Bataille, même si cette dépense devient rétention,
pour ceux qui après Lacan s'aventurent dans "la petite mort",
l’orgasme de “Madame Edwarda” analogique de la
suspension provisoire du manque et du désir, en pensant d'avance
à l'autre mort qui abolira Une fois pour toutes, les
multiples tensions de la vie.
Les visages du plaisir ont une étrange similitude avec
ceux de l'agonie.
L'Eglise ne s'y trompe pas qui condamne l'homosexualité,
l'avortement et l'onanisme érotique des enfants.
La part maudite c'est ce qui consumme le sexe.
Les moyens de production d'énergie et de biens de consommation,
la toile informatique, les nouvelles technologies entraînent un
surplus d'énergie humaine de plus en plus important. Cet
excédent se consume dans de nombreux services (banques,
assurances, etc.), en organisant des processus de vente toujours plus
agressifs, en créant de nouveaux objets qui répondent
à de nouveaux besoins nouvellement créés. Et bien
sûr la guerre, moyen d'une efficacité redoutable. Mais
dans la paix capitaliste il faut tout de même brûler cette
énergie qui pourrait- être utilisée à de
mauvaises fins contre le Kapital.
LA
VITRE ET LE GOUFFRE ou Surface et profondeur
- la création étant la pertinence entre les deux,
de même que l'écriture limite aurait un espace
étroit entre la surface et les abysses -
Afin de ne pas écrire n'importe quoi il faut savoir que l'eau de
l'océan absorbe tout rayonnement
électro-magnétique et qu'au delà de 500
mètres de profondeur on ne voit plus rien de la surface.
La lumière véritable, comme celle des créatures
auto-luminescentes, ne peut venir que de la ténèbre
originelle; c'est un fait et pas un oxymore. Des salamandres albinos
nagent dans les eaux des grottes les plus profondes.
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes des êtres de
surface, nous ne sommes ni des mouflons ni des calamars, nous sommes
conçus pour vivre à 20° et au niveau zéro
(celui de la mer). On pense et on se déplace à la surface
du monde et après le corps s'enfonce dans la terre et
l'âme s'envole au ciel; à moins que l'on fasse un
arrêt sur image.
Out of breath..................... Alors il faut parfois quitter
la Pensée de surface, là où les bulles de la
pensée des profondeurs viennent exploser dans la conscience.
Quant aux ordinateurs qui nous gouvernent et nous surveillent, ils
travaillent à la surface des cristaux de silicium qui les
composent. La véritable A.I est un cristal qui songe.
Nehemo mon capitaine est à l'image de la dialectique qui unit
l'écriture (procédés linguistiques) et la question
du sens (profondeurs) .
Le verbe ange substantiel devient
le moteur du véhicule mais aussi du chemin lui-même.
Emergeant de l'eau, le plongeur a toujours l'air de sortir du ventre de
sa mère. Il lisse ses plumes, s'ébroue comme un chien et
se roule à la surface des prés comme si au-dessus
c'était mieux qu'en bas.
Ce qu'il faut avant tout réussir dans sa vie, c'est à
iriser et rendre scintillantes les terreurs issues du gouffre
(Pascalien) et aussi à rendre sensible le tropisme solaire au
fond des abysses. Poë a sondé ses fonds lugubres d'eaux
lourdes et mortes pour en faire surgir le périscope de la Raison
qui résout les énigmes et nous écarte du gouffre
menaçant.
Dans "Le Guignon", Baudelaire avoue: "Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli
Bien loin des pierres et des sondes"
Ce qu'il faut, c'est pouvoir plonger dans l' Innommable à la
limite de l'impossible pour en émerger VIVANT.
La surface du monde ne révèle rien d'autre qu'elle
même, coincée entre le vide du ciel et les entrailles de
la terre.
La surface de l'eau est comme une vitre qui accentue les limites de
chaque objet. La transparence devient un "vide liquide". Le nageur d'
Elévation sillonne "l' immensité profonde".
La sonde échographique "mini-focus" balaye la peau humaine et
donne naissance à une image volumique de l'organe malade.
Le papier du livre Gutenberg était la surface de la graphie
jusqu'à l'époque de la rupture
révélée par l' apparition du numérique.
Ce n'est pas parce qu'on nage dans l'hypertexte en besognant les
langages de programmation qu'on atteint plus vite les profondeurs de
l'esprit.
Le sous-marin remonte à la surface comme le dormeur remonte du
sommeil profond.
"Ce coup avait envoyé tout d'abord Lucien au fond de l'eau; mais
il frappa du pied et revint à la surface, en se jurant de
dominer ce monde". Balzac, in Les illusions perdues.
Sous la surface est la profondeur de la nuit et de l'oubli en vue de la
renaissance.
Ne vous laissez pas torpiller par les maîtres qui vous gouvernent.
L'avantage de l'écriture UNDERSEA, c'est qu'elle n'a plus les
pieds sur terre ni la tête dans les nuages. Apprendre à se
laisser descendre dans les abysses de l'âme avec des chaussures
de plomb et se laisser remonter lentement, les pieds nus, vers la
limite de séparation des deux éléments. Le reste
du temps comme écrivait du Bellay à propos d'Ulysse
"plein d'usage et de raison - Vivre entre ses parents le reste de son
âge."
La bien nommée Discontinuité de Gutenberg , autrement
appelée le Manteau terrestre avec ses 2900km de profondeur,
attire le voyageur inconséquent qui ne sait pas remonter
à temps.
La metaphora du circum-maritime de Nemo a été
suggérée par George Sand. Edgar Poë et Homère
sont souvent cités. C'est le talent de l'auteur des
"Travailleurs de la mer" qu'il faudrait à Nemo pour peindre les
merveilles des profondeurs.
Que je puisse être enfin l' Extinctor du Leviathan qui
hante ma vie.
On n'a pas d'autre solution que répondre correctement à
l'énigme du Sphinx pour délivrer nos crânes des
cauchemars de la nuit.
Ce n'est pas pour être pétrifié qu'on voyage sous
la surface des choses mais pour être "mobilis in mobili".
Je décidais donc de m'enfermer dans mon sous-marin noir,
véritable prison flottante pour dicter les lois et
espérer devenir "libre" parmi les hommes.
Que tout lecteur soit un Aronnax et se demande où veut
l'entraîner la "fantaisie du capitaine".
Ecrire undersea, être un sous-marin noir c'est espionner,
spéculer les eaux profondes à défaut de pouvoir
comme Alice et Cocteau traverser la froide "surface de verre poli". La
longue vue du marin rapproche comme le microscope électronique
plonge à l'intérieur de la matière.
Ma figure de rhétorique préférée restera
toujours la mise en abî(y)me.
Rien de plus épuisant qu'une expédition lointaine quand
on sait qu'il n'y a rien d'autre à trouver que soi-même.
Pour tout bon bibliophile, la surface d'un livre doit être du
cuir pour ne pas dire de la peau. Rien de plus beau qu'un livre
relié en cuir avec de l'or sur la tranche. Les plus riches
bibliothèques sentent la cire qui protège les
parquets-fougères et recouvre la peau des livres. Les titres
aussi sont imprimés en or comme les épitaphes sur les
froides surfaces de pierre polie qui servent de dalles aux pauvres
morts (par ailleurs oubliés de tout le monde - les
cimetières sont devenus déserts - sous la lune ou sous le
soleil - rien que des menhirs emplis de textes que personne ne lit
plus.) Les actes notariaux jalonnent nos vies. Lisez braves gens, ceci
est ce qui reste de mon corps mais mon âme est dans la marge.
Ceux qui osent s'approcher et toucher la coque du Nautilus sont
électrocutés et grillés vifs comme un
condamné sur la chaise. Némo s'est fait comme
prométhée voleur d'électricité, comme
l'artiste voleur de feu, comme Le Voleur de Darien (casseur de vitres )
qui fait un sale métier mais le fait bien. Quand la fissure se
fait et que l'air entre dans les poumons des petits d'hommes, cela les
fait crier de douleur autant que l'eau amniotique qui entre par la
carcasse du sous-marin.
Les yeux du Poulpe
Léviathan de la Gorgone Méduse, dévisageaient
Nehemo pour lui interdire d'oser être Personne.
Plonger dans les eaux troubles du langage pour y voir plus clair, en
évitant de s'embourber dans les langages de programmation du Net
art pour de toute façon finir par revenir au parchemin et
à la plume d'oie holographique. Communiquer est devenu l'enfance
de l'art, laisser une trace aussi éternelle (c'est à dire
relative) qu'une marque de pneus d'une Jeep sur la lune qu'aucun vent
n'effacera, est devenu un but souvent méprisable au nom du
"Carpe diem Kapitaliste". Prendre soin d'éviter l'étrave
du Dark Sbmarine, tel est le premier devoir. Le capitaine du livre
affirmait qu'il aimait son vaisseau comme la chair de sa chair. Le
gouffre attribué par Baudelaire à Pascal, est
précisément celui celui qui pousse à écrire
sous la surface des choses au risque de voir ce que "Dieu a voulu
interdire au regard des hommes".
Résoudre symboliquement le problème de la mort telle est
la mission du Dark Submarine qui s'enfonce dans les abysses empruntant
le chemin d'une chute interminable.
A la surface de l'océan du Globe, lui-même voguant au sein
d'une poudrière nucléaire, il y a le désir qui
frôle les vagues
au dessus règne le Tu-dois de la morale des hommes
au dessous, dans le froid des abysses qui jouxte le feu du "centre de
la terre" il n'y a plus que les lois de la nécessité et
il y en aura toujours plus à voir dessous que dessus. En
remontant, le plongeur regarde la surface comme sous les jupes du monde.
La profondeur c'est aussi l'intérieur et le caché,
l'invisible et le censuré. Le Dark Submarine nage à la
subsurface avant de plonger dans la profondeur du profond pour faire
sens. Le fond s'éclaire de ce qui "arrive" à la surface.
Heureusement: la vie
tient à un filin d'acier,
à un fil de
salive tendu entre deux lèvres béates d'étonnement
à un fil de
soie et de toi (l'autre forcément indispensable)
à un fil de
téléphone, un cable de liaison, un réseau d'ondes
entre la terre et le ciel
à un fil de
flux chimique entre les neuronnes
à un fil de
toile d'araignée (son piège détruit par une main
géante, l'insecte n'a plus qu'à mourir de faim)
à un fil de
goutte à goutte à l'hôpital, un branchement
électronique pour surveiller les pulsations de la vie
à un fil
ombilical qu'on passe toute une vie à essayer de couper
à un fil
d'acier pour passer en apnée de la surface à la
profondeur du Grand Bleu
à un fil de
ligne de chemin-de-fer qu'on suit car il conduit forcément
quelque part
à un fil
d'histoire ou de discours qu'il ne faut jamais perdre
à un fil de
ligne qui seul peut aider le plongeur-explorateur à retrouver la
direction de la sortie
à un fil
d'Ariane pour pouvoir ressortir vivant du labyrinthe
à un fil de
canne blanche pour ne pas glisser dans le sang
à un fil de
suture qui retient encore le soldat à sa vie
à un fil de
bave qui va de la bouche au crachoir du dentiste
à un fil pendu
en haut d'une poutre quand le condamné n'a pas encore
été gracié
à un fil qui
retient la barque dont on ne peut se décider à couper les
amarres
à un fil
d'alarme qui retient l'habitant à sa maison-refuge
à un fil
optique qui conduit les informations numériques à la
vitesse grand V
à un fil de
fer qui conduit le funambule d'une berge à une autre
semblable
à un fil qui
retient la bonde du bain matriciel et chaud
à un fil de
métaphore ...
à un fil rouge
de malade du SIDA
à un fil
à la patte qui retient le prisonnier à son boulet
à un fil de
trame que l'on tire sans y penser quand on attend avec angoisse des
résultats d'analyse dans un laboratoire médical
à un fil qui
retient le chien-loup à sa niche pour prévenir son
maître du grincement des roues de la charrette de l'Ankou
à un fil de
film de souvenirs d'enfance qu'on regarde en pleurant
honneur à
"Spider" de Cronenberg
au fil des pages du
livre vermeil ...
Dans l'obscur grenier à blé, l'enfant terrorisé
écarte nerveusement les fils de la vierge et les toiles
d'araignée pour atteindre le rai de lune qui passe par
l'œil-de-bœuf.
La trame du Net ce sont les câbles de fibres optiques et les
"ondes wi-fi".
Considéré comme un sous-écrivain par mes relations
éditoriales qui me reprochent souvent d'écrire dans le
vent et pour des hyperlecteurs anonymes (opposés aux clients
habituels - enseignants de préférence - qui vont toujours
dans la même librairie, Parisienne si possible) je me vois aussi
reprocher le risque de voir mon serveur et mon fournisseur
disparaître un jour en volatilisant tout!
Certes, toute
œuvre d'art n'a pas la chance d'être la Joconde et
d'être conservée pour l'éternité
(très relative) dans du formol, derrière trois couches de
verres anti-balles et une multitude de protections électroniques
anti-vol;
mais cela importe bien peu aux yeux de celui qui écrit dans son
sous-marin. Si jamais l'hebergeur avait la mauvaise idée de
laisser détruire ses serveurs alors j'irai chercher mon
œuvre dans la boîte à allumettes où je l'ai
conservée. Quand je secoue la boite j'entends sauter les
cartes-mémoires à l'intérieur. Un mini-disque dur
de 6 Go et trois mini CD-RW de 8 cm renforcent la protection.
Ajouté à cela une édition papier reliée par
mon imprimeur de quartier, de toutes les pages du site. Il va de soi
que pour que l'œuvre puisse remonter à la surface et faire
revenir les lecteurs-nageurs dans la course il faut le spectacle du Net.
La plus belle des symphonies de Mahler n'existe qu'au moment où
elle est interprétée par les musiciens dans une salle de
concert, n'existe que le temps de la représentation.
Entertainment and literature.
Les livres qui vont au pilon n' hurlent jamais de douleur.
L'écrivain opiniâtre peut reprendre son manuscrit ou,
à défaut, ses idées.
Etant conservateur autant que lecteur ou navigateur dans les eaux
profondes je me doute bien qu'un jour les Maîtres du Net
choisiront par le biais d'instances tout à fait
légitimées, les œuvres qui mériteront
d'être conservées sur DVD-ROM dans un département
de la BNF ou de l' INA.
Le ressac à fait s'échouer une bouteille lancée
à la mer voici cent vingt sept ans, avec à
l'intérieur, roulé un chef d'oeuvre de poésie.
Pourtant la plage était déserte et le restera
jusqu'à la fin du monde.
"Quelques nouveaux leucocytes adhèrent à la paroi alors
que la majorité d'entre eux ont quitté le vaisseau et ont
déjà pénétré profondément
dans le tissu voisin." ... c'est le flux du sang dans le réseau
des profondeurs du corps qui fait la vie
comme c'est le flux de la lumière réfléchie dans
les fibres optiques des réseaux underground qui fait l'
œuvre du Net à la surface des écrans cellulaires.
Sans électricité pas de Net et sans chandelle
allumée pas de lecture possible mais on peut lire au grand jour.
Il reste caché dans notre
cerveau reptilien quelque chose de la peur du noir d'avant le feu,
quelque chose de la peur d' Axel, perdu au Centre de la terre qui voit
sa lampe s'eteindre fatalement: "Je n'osais plus abaisser ma
paupière, craignant de perdre le moindre atome de cette
clarté fugitive. A chaque instant il me semblait qu'elle allait
s'évanouir et que le noir m'envahissait." Le même Axel
avait pourtant pris des "leçons d'abîme" en montant au
sommet d'un clocher.
Je me souviens aussi d'une petite fille aveugle, qui dans un entretien
clinique insistait sur le fait qu'elle "avait peur du noir"... puis
"voyant" que cela ne marchait pas auprès de sa mère
finissait par dire: "j'ai peur des bruits que je ne connais pas".
Quant au silence absolu,
au silence sourd, si vous l'ajoutez aux ténèbres vous
obtenez un résultat qui doit ressembler au néant.