Net et enquête sur l'autre hauteur littéraire



PREAMBULE

Depuis plus de trente ans, des auteurs créent des oeuvres littéraires sur ordinateur, des oeuvres de
“ littérature numérique ”, que certains appellent “ littérature électronique ”, “ littérature informatique ”,
“ e-littérature ” ou encore “ cyberlittérature ”. Quant à moi je préfère parler de littérature fractale, ce qui renvoie aux origines en même temps qu'au fragment, au fragment qui peut se détacher du Tout.
Pour ces auteurs, il ne s'agit pas de diffuser des textes littéraires sur un support numérique mais Il s'agit de concevoir et de réaliser des oeuvres spécifiquement pour l'ordinateur en s'efforçant d'exploiter certaines de leurs caractéristiques : technologie hypertexte, dimension multimédia, interactivité... (cf, sur mon site: la possibilité de voir ou de ne pas voir une photographie ... déterminante ou non pour le texte)
J'ose espérer que l'oeuvre qui suit, fait partie d'un nouveau paradigme littéraire. La littérature électronique ne peut se comprendre qu'en la reliant aux poétiques antérieures qu'elle tente de réactualiser. Conscient de pratiquer un art hybride aux croisements des arts audio-visuels, de la langue comme Belles Lettres et d'une nouvelle technologie de l'information et de la communication, je place l'e-lecteur dans une posture de spectateur actif qui fait de l'objet texte une sorte de "performance". Mais un "donné à voir" surprenant qui entache le silence de la nuit comme un hurlement de loup. Ainsi le bruit informatique (du clavier au ronflement somnolent du ventilateur et aux parasites du médium) aussi assourdissant que les pages d'un livre qu'on tourne dans le lit, peut devenir ce qu'il a y de plus essentiel.

                              HERMENEUTIQUE des PROFONDEURS et PRE-TEXTE

 Pourquoi il y a quelque chose et pas rien? ... j'aurais préféré ne pas être né. Mais une fois embarqué sur cet océan de pauvreté, je ne trouve plus qu'à crier: "Je ne veux pas être mort".
          Tout écrire (et pas tout dire) dans un déshabillage aux limites du dicible... tout livrer, donner à voir (icones / icônes), à scruter, à spéculer. Le scaphandrier des profondeurs, à l'image des soldats de Nemo, trouble sa propre vision à chaque pas trop lourd qu'il fait, pour avancer. La terre brouille la vision. Il faut tout noter sans complaisance et se méfier du style qui dissimule la vacuité.
        En suivant le sillage de Maurice Blanchot, on s'aperçoit que la vocation de l'art occidental a changé après Auschwitz. Je suis comme écartelé entre l'interdit thoraïque de la représentation du vivant et la mystique chrétienne qui prône l'impossibilité de nommer Dieu. Je ne cherche même plus à parler mais je veux continuer à écrire l’absence et l’innomable.

                                    La tentation de l' hyperlivre, du livre virtuel ou même de l' U-blog.
Ce sera le carnet de bord d' un forage minier et d' une immersion soluble.
Ouvrir une faille dans le livre papier pour faire exploser la sphère du Volume.
Un livre pas pressé d'en finir, un work in progress sans point final, une écriture sans téléologie.
En titrant Ecriture électronique fractale je pensais à Deleuze qui envisageait "des fragments impossibles à totaliser, éclats primordiaux qui ne témoignent d'aucun tout."
- Un livre toujours à venir et jamais advenu. Je regrette que les anglo-saxons ne disent pas Biblary mais Library pour Bibliothèque (ce qui rend le français très évident).
Quant au livre électronique il ne lui en reste plus que la feuille de pixels mais aucun volume refermable.
Ainsi un éminent spécialiste en 1996 évoque et distingue les notions de "texte-à-voir" comprenant lui-même un "texte-à-voir-lu" et un "texte-à-voir-non-lu", et qui coexisterait avec d'autres "texte-lu" , "texte-lu-pressenti", "texte-à-voir-virtuel", etc. ... autant d'entités qui, à force de se vouloir multiples, se singularisent à un point jamais atteint et sont icapables de "jouer le rôle du texte classique", même si cette performance, cette installation d'art contemporain est accomplie par un "générateur", par une machine sans cesse traversée par des influx électriques qui répondent à des ordres.
"Ceci n'est pas une note infrapaginale orale" comme écrivait Derrida, mais un lien hypertexte, un brochage, une re-liure, un renvoi, avant ou après.
Et pourquoi pas une écriture de l'Eschatologie, hantée par le spectre de "l'être pour la mort."
Et pourquoi pas un site de thanatologie virtuelle?
La pensée de la mort n'est pas la mort de la pensée ... bien au contraire. Notre angoisse est telle qu'il nous faut absolument l'évacuer pour vivre et tous les moyens sont bons: même les pires.
Cette angoisse est aussi compréhension. Elle comprend d'une manière exceptionnelle la possibilité d'exister authentique. Je reconnais volontiers être souvent plongé dans le fameux "souci angoissé". J'habite le monde (car on m'y a jeté) et la vie prend la forme d’une coquille.
On ne peut parler de la mort que par métaphore: à part le cadavre personne n'habite cette maison là.
Le médecin qui pratique une autopsie (pour voir de ses propres yeux) ne verra RIEN de la mort. Un croque-mort qui tous les jours attend dans son corbillard, l'ordre du maître de cérémonie d'enlever le cercueil du catafalque; en sait beaucoup plus long. La vie nous parle de la mort, et parfois même  que de cela.
- Allons plus loin : de quelque sujet qu'on traite, en un sens on traite de la mort ; parler de quoi que ce soit, par exemple de l'espérance, c'est obligatoirement parler de la mort ; parler de la douleur, c'est faire parler, sans la nommer,  la mort ; philosopher sur le temps c'est, par le biais de la temporalité et sans appeler la mort par son nom, philosopher sur la mort ; méditer sur l'apparence, qui est mélange d'être et de non-être, c'est implicitement méditer sur la mort -  La mort, c’est ce qui reste du problème ... mais indirectement et à mots couverts, par hiéroglyphes et sous-entendus. "La vie est l'épiphanie de la mort",  Vladimir Jankélévitch
Du jour, enfant de 11 ans, où j'ai vu, de mes yeux vu, le corps mort du père aimé, je suis rentré dans une terrible somnolence, à force de penser à RIEN.
 
Au début était le Memory Extender.     
Il s'agit de tenter de reproduire le fonctionnement caractéristique de l'esprit humain en imaginant des machines capables de fonctionner par association et non plus selon le modèle classique de l'indexation. Il s'agit donc de pouvoir annoter tout type d'information. Ted Nelson (inventeur du terme Hypertexte) souffrait d'une forme extrême d'un syndrome affectant les capacités d'attention, perdant sans arrêt le fil de ses pensées.
Mais une fois, bien avant, on inventa le codex (formé de feuilles encartées les unes dans les autres et attachées en cahiers comme les livres contemporains) qui se différencia du volumen (rouleau). Et maintenant, d'un scroll, je fais se dérouler le texte, je veux dire exactement : défiler de bas en haut ou de haut en bas comme on revient sur la trame du tissu, d'abscisse en ordonnée pour trouver la fovea du texte.

                                      CONSIGNES IMPERATIVES POUR DEROULER LE SITE

Work in progress - Work art -  Net art - Art pas net (comme dit la chanson: "j'ai jeté les jumelles pour ne garder que le flou.")

Consigne impérative: pour que ce site fonctionne véritablement comme un "work in progress de littérature fractale et interactive," il vous faut lever au maximum le niveau du son, supprimer vos barres de menus et naviguer  avec les liens, les icones (images) qui sont aussi des "renvois".

Définition à laquelle on se doit de se plier et de faire une génuflexion respectueuse devant les pré-curseurs du Net Art: "oeuvre conçue spécialement pour le support-medium, en exploitant les caractéristiques intrinsèques: l'espace, le temps, le changement, la résolution de l'antagonisme processus vs. produit."

             Comme toute oeuvre de littérature "électronique" celle-ci aussi est  une composition hypertextuelle-multi-média, hic et nunc qui devra évoluer à la vitesse de la technologie si je ne veux pas me retrouver avec un 78 tours sans Gramophone - mais on pourra toujours remasteriser.
Personnellement, je ne ferai jamais reporter mes pellicules argentiques et cinématographiques sur un support Vidéo Numérique. Quand mes projecteurs cinématographiques auront rendu leur âme aux frères Lumière, ces films seront devenus sans images, sans sons, sans sujet ... autant dire sans objet. Et pourtant les bobines de films soigneusement conservées existeront toujours - sans visibilité - comme le tableau caché sous un drap dans un work in progress.
          La représentation de l'écriture électronique est contingente, mais pas plus que celle d'une oeuvre musicale: entre un Tépaz et une chaîne Esotérique il n'y a guère de rapport et encore moins avec un orchestre acoustique. Mais peut-on se contenter de cet état de fait? Les vendeurs d'Auditorium de haut de gamme ne vous parlent que de restitution et pas d'audition.
Ce 8eme art informatique est tout de même beaucoup moins aléatoire que le 7eme art (du moins quand on le pratique). Les nouveaux cinéastes ont tout intérêt à se mettre à suivre les progrès de la Haute Définition et bientôt de la vidéo 3D. Ecriture numérique / cinéma numérique (LCD, DLP, Plasma) ... j'ai dans mes tiroirs une lettre manuscrite de J.M.G.Le Clézio à propos de laquelle mes amis me disent qu'elle sera bientôt "invisible" car l'encre mauvaise s'estompe à la lumière ...  et alors si on laissait mourir les choses aussi condamnées à disparaître. Les conservateurs entassent aussi.
      Ce n'est pas parce que nous sommes nous-mêmes inconservables, mais biodégradables, que nous devrions tout protéger du passage du temps (et de l'évolution technique) qui n'est lui-même que de l'espace transformable.  
         Ainsi j'écris en HTML car je sais que c'est le langage le plus simplement répandu, en images JPEG ou GIF, en sons MP3 ou Wav ... et le jour où il faudra changer, je troquerai mon porte-plume Sergent Major contre un roller Faber-Castel (on me disait déjà que le crayon de bois s'effaçait).

Mais oui, je veux bien laisser mon oeuvre (travail artisanal de Franc maçon du tour du web) aux aléas de la réception dont parle Jauss. Rien de plus sinistre qu’un site désaffecté ou qu’un site mort. L’ écriture électronique se doit de rester vive.

                Il y a toutes les raisons valables pour que la restitution de mon travail ne soit pas fidèle à mon idée de départ  et ne soit pas la réplique de mon rêve d'auteur. Ce qui me semble terriblement prétentieux et divinement orgueilleux, c'est  prétendre être lu et compris exactement. La communication parfaite (sans parasites dans le medium) est une utopie de financiers qu'on appelle autrement: "communion" ou communauté tacite - les silences comme en musique, en disent parfois très long. Il n’y a pas de littérature sans soupirs.
Derrière tout cela, se cache l' angoisse de l'effacement. Alors que de toute éternité il a été programmé que tout devra être effacé: Pyramides comprises. La terre, le ciel et ses nuages sont voués à l'eschatologie. Il ne me reste plus qu’à écrire avec un Criterium pour le retourner sans cesser afin d’effacer les mots que je viens d’écrire.
                      Que l' oeuvre puisse être perçue, décriptée par ma succession (enfants, amants ou amis) soit. Mais franchement, la pérennité chère aux conservateurs de musées n'a d'importance que pour eux et le Ministère de la Culture qui veille sur le patrimoine. Je ne suis pas certain que l' Urinoir de Marcel Duchamp et que nombre d'oeuvres du 1er au 9eme art auraient dû être pieusement conservées sous cloche.
C'est dans L'écriture et la différence que Artaud et Bataille ont conduit la révolte contre les fondements  de la métaphysique et qu'ils ont plus ou moins réussi, grâce à une volonté de transgression que je veux essayer de prolonger modestement.

La fin annoncée du livre-objet pose un problème fondamental qui doit nous conduire à scruter la signification de la métaphysique, qui repose tout entière sur un rapport du dit et de l'écrit. Ce n'est pas seulement la métaphysique, mais les champs du savoir qui sont commandés par l'interprétation occidentale de l'écriture. Un livre pour nous c'est une suite de lignes qui s'efforcent de représenter une parole première (au début était la littérature orale), proche de la pensée-parole à voix basse.

 Certains penseurs s’obligent ainsi à se tenir dans une position inconfortable. La limite n'est pas une fin ou une mort. Kant, déjà l'opposait à la borne, en ce qu'elle peut nous révéler certaines choses sur ce qui nous limite. Déconstruire la philosophie, ce sera découvrir un certain  "dehors"  qu'elle a refoulé et interdit. Autrement dire, autrement écrire pour réinventer la psychanalyse comme Rimbaud réinventait l'amour.
         Je préfèrerai donner de l'amour et à manger aux enfants qui meurent dans le plus parfait anonymat plutôt que me préoccuper de comment une littérature électronique aussi belle soit-elle sera toujours lisible dans cent cinquante ans. Quant aux aveugles sourds et muets ... la technologie peut s'occuper d'eux. Ce n'est plus de la science-fiction, on sait qu'on peut implanter des puces dans le cerveau pour que certains aveugles et certains sourds deviennent miraculés.
                   Certain qu'avec un pareil discours, les prolétaires du texte (et pas les écrivains prolétariens) n'iront pas s'y frotter et doivent échanger le stylo-bille contre un clavier, même made in China. Mais bon; qu'ils se rassurent: l'espace, le temps, le changement, ils doivent pouvoir trouver ces produits un peu partout. Les SMS avec des gifs animés de filles nues qui se trémoussent, c'est du déjà passé. A l'heure où j'écris les gamins mettent en réseau sur leurs téléphones mobiles des snuff-movies. Les viols collectifs seront bientôt au hit-parade. Vive la technologie et ceux qui encaissent les dividendes. Je connais trop d’e-lecteurs qui rêvent de censure.
Il va falloir que je mette de l'ordre dans mes idées confuses... dans mes sales pensées si je ne veux pas me faire effacer de tout serveur.
                      Je veux pouvoir prendre une plume libre comme un "marteau sans maître", un feutre de piano sans métrique. L'ordre dans le désordre un peu comme l'anarchie est l'Ordre moins le Pouvoir, c'est une question de pertinence.
               Mes vieux manuscrits me font penser aux petites gares de campagne désaffectées et envahies par la "nature qui a repris ses droits" avec des "roues usées" et des "lignes mortes" à la Eluard ... des marteaux de machines à écrire qui ont perdu leur maître et des lignes d'encre effacées par le jaunissement du temps. On se presse à scanner les anciens parchemins qui tombent en poussière pensant avoir trouvé le philtre de l’ Inaltérable. On en a inventé des technologies pour retenir tout ce qui s'en va, emporté par le vent.
Par l' écriture électronique on peut enfin organiser la mise en forme - textes, images et sons - et la circulation en réseau pour exercer une "fausse" mise à nu curative comme le funambule se lance à pas de souris sur le fil du rasoir. "L'objeu" dont parlait Francis Ponge, enfin prend corps; le jet de l'objet "dans le jeu", le bol cassé des mots. Le retour du jeu dans la parole morte d'être dite (mais pas écrite) un peu comme dans une psychothérapie . Le "métier" (qui n'en est pas un) d'écrivain, rétribué par l'éditeur, se transforme en celui d' e-criturien, même pas rétribué par le fournisseur d'accès et cela pose du même coup la question de la propriété et des droits d'auteur.
Un linceul n'a pas de poche et il vaut mieux pour vivre, faire un vrai métier, maçon ou menuisier (toujours utile en cas de malheur).

Mes icones (icônes) sont comme des reliques qui témoignent d'un passé dont je me sépare sans jamais renoncer à m'en séparer. Ce sont aussi des "pièces à conviction" de folie et de délire durable. Ici, les images sont des doubles de la réalité en même temps qu'elles sont des "imitations-métaphores" et tragiques. Pas de littérature sans comparaison écrivait Robert Musil. Les icones électroniques peuvent être aussi cathartiques (purificateurs). Le virtuel n'est-il pas une imitation de la "réalité sensible?" (cf: le virtuel tactile).

                 Molloy, Malone et l' Innommable (peut-être mes véritables 3 sources avouables) aspirent au néant qui par l'écrivain finirait presque par prendre consistance. Ce serait bien qu'un jour, on se décide vraiment (et pas seulement les intellectuels) à interroger l' Extérieur comme on fouille dans une poubelle pour prendre conscience de ce que la "bonne" société rejette sans cesser.

Dieu est définitivement parti et absent, et on se retrouve là comme des idiots avec la mort dont on ne sait que faire. Le pire est certain et toujours à venir. On peut toujours errer dans les églises comme un chien fou qui est entré à l'intérieur sans le savoir et ne retrouve plus la sortie tel un poisson pris dans la nasse.
Quant au Nautilus il est peut-être fabriqué en sapin et capable d'emmener son équipage là où on se perd définitivement, là où se taire enfin, vaut mieux que parler.



                                               AUTORITÉ LITTERAIRE ou DE LA NECESSITE D'ECRIRE

Page dédiée au Wiki Wiki Web  .... Malus .... Mal de texte et livre perverti... perverti par l'usure du temps ... détourné de sa fonction première: "être lisible-visible".
 Jadis dans les sombres sous-sols (car dans la lumière tout est soluble) les ouvriers de la Bibliothèque Nationale en blouse grise luttaient pour protéger les manuscrits des ravages du temps. Au XXIeme siècle, la plus grande perversion est devenue l'excès de communication, l'excès de lisibilité. Tous les palimpsestes ont retrouvé leur jeunesse profane. Tant et tant auront lavé pour rien des papyrus comme ils effaçaient les tablettes d'argile, ardoises magiques avant l'heure, pour les recouvrir d'écrits théologiques condamnés à disparaître à leur tour. Big Google aussi est à la recherche d'un effet palimpseste qui permettrait sans les effacer de mettre les liens non réclamés au rebut. Un livre même paré d'une certaine beauté restera toujours dans l'espace de l'imparfait et de l'éphémère.
- a contrario
Le livre existe: il est là, posé sur la table du café à côté de la tasse, comme le jour où un éditeur m'en déposa six specimen pour la promotion. Tout de suite, j'étais allé voir en 3eme de couverture les lignes écrites qui me fascinaient le plus: "Achevé d'imprimer pour les éditions... sur les presses de...". J'ai toujours pensé que le nom de l'imprimeur, de l'artisan qui fabrique la reliure, qui fait des pensées couchées sur le papier un objet, devrait être écrit en caractères gras sur la couverture, au même titre que celui de l'éditeur.
Sans les bons soins de l'éditeur, le texte ne serait jamais devenu une œuvre. Il allait falloir que j'apprenne à m'en passer.
J'écris par nécessité: qu'on me coupe les mains, je trouverai encore un moyen, non pas pour écrire avec la bouche, mais pour faire de la littérature.
J'écris comme aurait dit Husserl en prenant comme référant l' existant absolu, sans personne qui me regarde par dessus mon épaule.

                      J' autorise moi à faire de la littérature,  sans excuse aucune, avec des tonnes de bonnes raisons:
mon père est vraiment mort à 39 ans quand j'en avais 11
ma mère est vraiment morte après plusieurs stations sur le chemin du calvaire des graves maladies
mon chien qu'on m'avait offert pour me consoler de mon père est vraiment mort 2 ans après
mon meilleur ami est vraiment tombé "lucide" avant de se suicider en se jetant du haut d'un pont sous un train
mon ami flûtiste à l'orchestre symphonique s'est vraiment tué, écrasé dans sa voiture par un 30 tonnes
notre petit chien noir est vraiment mort dans mes bras
on a vraiment fait pleurer notre petite fille de 10 ans en divorçant
mon ami de chambrée d'étudiant s'est vraiment suicidé en s'étouffant avec un sac plastique
ma petite amoureuse écrivain s'est vraiment suicidée à 30 ans et ses cendres sont vraiment été versées dans l’urne qui repose dans la chambre de sa mère
mon grand-père que j'ai tant aimé est vraiment mort avec des tuyaux partout dans un stalag de CHU en préfabriqué
mon vieux copain de cénacle philosophique s'est vraiment tué sur la route en rejoignant sa maîtresse
mais non ce n’est pas du pathos, juste un constat et un procès verbal ... "I remember"
Trop de morts m'interdisent de me taire
Mon ciment vital est un ossuaire
Mon village natal, un enclos paroissial.
                               - J' écris car c'est une autre "manière de ne rien faire", car faire on le sait depuis que l'homme est faber
j'écris car un livre est comme un piano: on peut jouer tout l'orchestre avec le clavier;
un livre peut être comme une dalle que l'on grave
comme une pierre érigée par des esclaves
comme une peau que l'on marque au fer rouge
comme un cahier d'écolier
comme les traces de fumée blanche laissées par les avions dans le bleu du ciel.
comme des lettres éphémères creusées dans le sable et que la première vague efface
comme une histoire qu'on racontait aux enfants
comme un tragédie qu'on allait voir quand on ne savait pas encore écrire
comme une brique de bibliothèque  .
                                - J' écris comme on crie avant d'y passer, j'écris car j'ai encore la possibilité de ne pas pouvoir faire autrement.
- Je n'ai jamais autant parlé avec ma mère que depuis qu'elle est morte. Elle est entrée en moi et me parle de l'intérieur comme jadis j'étais en elle.
Et moi, j'écris aussi tant que je suis encore au-dedans avant (par ma mort impossible) d'être jeté au dehors comme je le fus déjà une fois, expulsé dans le monde. Je ne peux pas m'empêcher d'écrire pour corriger, pour me racheter, pour rectifier. Je me demande parfois si je n'exhibe pas sur le net que des ratures, des corrections, tant que la vie me le permet encore.  
               - Je me demande si je serais capable d'écrire sans la rhétorique de l'oxymoron sachant que nous sommes condamnés à passer de tout à rien avec une incroyable légèreté,
                  - Je me suis constitué une petite base de données avec des bouts de papier-fichiers textes, avec des morceaux de musique-MP3, avec des photos découpées-jpeg, à coller, avec des petites images animées; dans laquelle je pioche pour "trouver mon bonheur": c'est comme un jeu d'enfant et je comprends que l' installation, comme on dit dans les musées , puisse être une tentation.
Qu'on me donne de la colle et des ciseaux pour refaire le monde à ma façon avant d'être forcé d'écrire avec mon doigt à vif et dégouttant de sang sur les murs d'une cellule.
- Je sais que ce qui attire les mots ce sont les images et je ne pourrai jamais y renoncer (même aveugle) . Les mots suscitent d'autres images à leur tour.
- J'ai toujours vénéré mon grand-père à cause du fait qu'il avait construit lui-même sa maison (avec deux amis) et manié la Truelle, la Pelle, l'Equerre et le Fil-à-plomb. Sa fille aussi fut fière de lui toute sa vie;
- "Et toi, mon père, que fais-tu?"
- RIEN, juste écrivain et cinéaste du dimanche, pour éviter le vide de la vie et mourir de trop d'afflux... Mais je m'en fiche, moi, j'écris mon truc comme on bricole sans fin dans un sous-sol, à fabriquer une machine célibataire. Je ne sais pas si la vie est une "vaste rigolade" comme s'était laissée aller à dire Duras, mais je suis certain que c'est tous le jours sur la corde raide avec un gros bricolage; c'est sans arrêt du rafistolage, on aménage, on répare, on s'arrange.
Je suis le facteur Cheval de l' internet. Je construis ma chapelle protectrice, brique à brique. J'aimerais qu'on visite mon site comme je me promène dans ma grotte idéale contruite en  gifs et en langage html . Dans les mots comme dans  les images et les musiques, il y a du déjà sculpté: alors je fais de la franche maçonnerie et fabrique du sens. Je continuerai toujours et charierai moi-même tous les mots. Un travail éternel comme le repos.
 
                    - Gosse de 15 ans, je lisais Le Révolver à cheveux blancs de Breton et jurais de me souvenir toujours de ces deux vers:
"A cette heure où des milliers de canards de Vaucanson se lissent les plumes
Sans te retourner tu saisissais la truelle dont on fait les seins"

Mon père, inspecteur aux Postes et Télécommunications me racontait ainsi, souvent, des histoires de messagers. Bientôt personne n'apportera plus aucune lettre dans les boites qui ne renfermeront plus que publicités et factures.
Ferdinand   Cheval,condamné à entasser les plus beaux cailloux du chemin pour fabriquer son rêve.
- Le problème c'est qu'on lit un livre électronique comme un e-mail. Personne ne vous l'a vendu , pas plus de porteur de lettres que de livreur de livres.
- Une vieille amie des années fac, Violaine Fleur m'a téléphoné, alors qu'elle est à la retraite prématurément de par sa cécité intervenue une veille d'épiphanie après une chute de vélo. Tout ceci serait sans importance si ce n'était le fait que devenue écrivain je luis conseillais de juste politesse la lecture de mes livres et la visite de mes sites littéraires: ce qui provoqua sa colère-folie et ma honte infinie. Internet c'est bon pour les voyants et surtout pas pour les manchots sans yeux. Après le virtuel resteront à inventer l'hologramme palpable et les écrans tactiles comme on en rêve dans les romans de science-fiction les plus téméraires. Le numérique n'a de cesse que de réinventer l'analogique. Les premiers holoscreens sont émouvants et font surtout rêver les publicitaires et bientôt les installateurs de web-art; mais le jour où on pourra toucher le corps d'une image il faudra faire attention de ne pas attraper une nouvelle maladie électronique.
- L'âne bâté , les yeux bandés tourne dans sa nuit autour du puits.
- Le moindre aveuglement et le moindre silence nous rendent complices...
et nous le sommes de plus en plus par la faute de médias et maintenant du net: nul n'est censé ignorer l'actualité même si celle-ci est celle des antipodes.
Nous sommes considérés comme coupables si nous faisons trop couler l'eau du robinet en nous lavant les mains, coupables si nous rejetons trop de gaz carbonique avec la voiture (alors que Tchernobyl a son sarcophage qui fuit de partout et que le deuxième que l'on va construire sera le plus grand monument du monde - Ce projet, d'un montant d'environ 760 millions de dollars, financé par la BERD (de l'ordre de 710 millions) et par le gouvernement ukrainien (50 millions) prévoit la construction d'un nouveau sarcophage (New Safe Confinement - NSC) dont le concept a été choisi en 2001. Le nouveau sarcophage sera constitué d'une double enveloppe métallique formée de quatre segments en forme d'arche de 37,5 m de long, de 245 m de portée intérieure et de 100 m de hauteur extérieure. Sa durée de vie est estimée à 100 ans. - ) , coupables si nous fumons, de tuer les autres autour de nous, coupables si nous buvons de coûter cher à la sociale sécurité, coupables si nous avons des rapports sexuels sans préservatif de risquer donner la mort à l'autre, coupables de sourire à un enfant qui revient de l'école... COUPABLES! et cela résonne comme la honte dans la tête de Joseph K. quand on lui enfonce le couteau dans le cœur. Doutant parfois que le monde soit absurde, j'ai honte du sens qu'il a  mais loin d'être caché comme jadis (je connus un temps avant les images) il est présent dans toute son obscénité face à notre regard sur n'importe quel "terminal". On disait des premiers postes de télévision qu'ils étaient une fenêtre ouverte sur le monde (misérable trou de serrure dans lequel les vieillards ont les yeux collés) alors les ordinateurs et leurs grands écrans plats sont des baies vitrées panoramiques.
                                          On écrit toujours dans l'ignorance car on ne peut pas tout vérifier, tout étudier, tout voir et tout entendre sur la giga-encyclopédie du web et sur les news en direct de tous les points de la planète Terre. Big Brother a fini d'être une anticipation depuis belle lurette et il y a des caméras dans les ascenceurs, en Chine.
 
                          La barbarie qui traverse l'occident ne réussit même pas à chasser l'ennui profond des petits bourgeois. L'avantage de la peur visible partout, sur la télé de 20h ou sur l'ordinateur intime dans la chambre de l'adolescent, c'est qu'elle est un rite funéraire et qu'elle fait consommer par consolation. On nous fait croire que nous sommes passés dans l'ère post "major event" mais alors à quoi donc ont servi les grandes guerres, les grandes épidémies, et les grands tremblements de terre - la terreur du "tremere" - Une maison qui s'effondre doit-elle comporter plusieurs centaines d'étages pour faire réfléchir le monde? Le Dieu jaloux a détruit les ziggourats de Babylone en semant la confusion des langues mais aujourd'hui les ouvriers étrangers ne se parlent plus que par geste pour ériger le Financial Center avec des bureaux directoriaux au-dessus des nuages et des maisons basses...(Taipeh :508mètres)
                   Je ne parle pas du projet de l'architecte français en Chine qui veut encore jouer à Babel avec des Twins Towers de 514 mètres   Ah! des hélices qui percent les cieux et font la nique à Dieu. Mais les financiers américains sont obstinés et décident de revoir leur projet de la Tour de la Liberté construite par un architecte d'origine juive polonaise afin qu'il soit encore le plus haut du monde (Big of the univers) avec le symbolique 610mètres.
Certains observateurs affirment que Larry Silverstein, aidé ou non d'autres investisseurs, aura les plus grandes difficultés à faire revenir les entreprises dans le quartier, au moins avant la fin du chantier. Le mémorial dessiné par l'équipe de  Arad,  Walker et  Bond pour occuper l'espace "libéré" par les tours jumelles serait, selon eux, difficile à concilier avec un quartier d'affaires. Les mêmes observateurs vont jusqu'à imaginer que Silverstein, une fois le montant des assurances acquis, serait tenté de revendre son bail. Une hypothèse peu plausible : le promoteur a, en fait, sollicité plusieurs architectes de stature internationale (Jean Nouvel, Fumihiko Maki, Norman Foster) pour édifier les autres tours du projet Libeskind, ce dernier ne gardant qu'une moitié de la Freedom Tower et un droit de regard sur l'ensemble du site.
Décidément, il est dit que RIEN ne rabaissera jamais l' Orgueil des Fous de l' Argent ("Money" comme chantaient jadis les Pink Floyd).  Et ils continuent à proclamer que c'était l' Event Major du monde... pour que d'une certaine façon toutes les autres horreurs du monde (y compris l'Amérique) deviennent "Minor events"


 
Capture d'écran du site de Jean-Paul Trichet : http://jeanpaul.trichet.free.fr/e-lecteurs.html


L'étrangleur de Remington place <Sarte_le-mur.mp4>

                         ou (OLP oblige - ouvroir - travailleuse - travail: torture) de fil en aiguille à la façon de Pénélope et du Couseur de chants.

Avertissement: comme on écrivait jadis en inter-titre, au cinéma, avant le VISA de CENSURE: on demande au spectateur de vérifier si ce film est visible par des mineurs (à cette époque lointaine, moins de 21 ans) ... et je propose aux e-lecteurs de faire la part du vrai et du faux, sachant que la vérité est aux toilettes - merci aux "Yes Men"... Certains hoax se sont glissés dans le site par pure perversion car le no man's land de l'écriture électronique est pain béni et encore territoire inconnu.

                               Grand adorateur de la radiophonie, du cinématographe et de la télévision, je me souviens de l'émission d'Orson Welles et d'Herbert George Wells, sur les Martiens, qui tels des ennemis terrestres envahissaient leur propre Terre et créa la panique parmi les auditeurs ...Trente ans plus tard Peter Watkins renouvela la vraie-fausse nouvelle avec La Bombe faux reportage pédagogique sur la peur de l'explosion nucléaire.
                           Mais en littérature les Poèmes d'Ossian relevaient déjà de l'idéologie subversive des hoaxers. Au XXeme siècle Romain Gary réussit une supercherie majeure. Le premier faux clonage d'être humain fut aussi un coup médiatique "hoaxé" et osé. Rien que du bla-bla comme disent ceux qui n'aiment pas lire, rien qu'une fausse rumeur, rien que du vent. Quant au "major event" du 11/09 les partisans d'une thèse complotioniste sont de plus en plus nombreux.

       Et pourtant ... mon proverbe préféré  demeure: "Parler pour ne rien dire". .. simplement pour le simple fait qu'il m'a toujours renvoyé à la bouche comme une mauvaise salive : Ecrire pour ne pas parler, écrire à voix basse, écrire pour apprendre à se taire, car du jour où il tombait des cordes sur le cimetière de mon père et où la dalle avec ses lettres d'or de naissance et de mort, est retombée sur la dépouille d'un bruit sourd en même temps que claquait le tonnerre, je n'ai jamais pu me résoudre à croire que je pourrai parler à quelqu'un et que quelqu'un pourrait m'adresser la parole.
            En découvrant la littérature épistolaire (y compris celle dont les auteurs avaient interdit la publication posthume) je comprenais ce qui était le comble et la perversion de la littérature. On n'écrit pas pour le public, en même temps quand on écrit c'est toujours au moins pour un Autre fictif, mais pas pour soi. Le journal intime n'a qu'un but (c'est la lettre cachée) être un jour découvert et connu par le plus grand nombre (cf : "La confession impudique" de Tanizaki).

Vers ma vingtième année j'ai délaissé mon orange mécanique (machine à écrire italienne) pour revenir à la plume d'or qui gratte le papier de Hollande en attendant les ordinateurs, pour l'unique raison que je détestais le graphisme de mon écriture. J'ai été élevé à coup de "tu écris comme un cochon - ton écritutre est illisible" ... ce qui ne me laissait pas beaucoup de chance pour communiquer. Les notaires font de la calligraphie et les médecins continuent de mal écrire. La Machine à Ecrire, dans laquelle je ne voyais qu'une prothèse, devenait ma seule chance de me tirer de ce mauvais pas.
Je ne connais plus que les professeurs d'esthétique pour avoir une "belle écriture"mais tellement artistique qu'elle en devient illisible. J'ai connu bien des chercheurs d'emploi à qui les spéculations du graphologue de service faisaient peur.

De même, utilisant une référence toujours chère mais en flirtant cette fois du côté du traitement de l'image et de la puissance de calcul , les publicitaires de la pomme croquée (l'un des deux inventeurs était au régime jus de pomme - enfin un logo qui fait sens!) passaient de Gutenberg à Léonard de Vinci lui aussi inventeur de machines fabuleuses.
Ce n'est qu'en 1992 que je suis passé à l'ordinateur portable pour pouvoir écrire sur mes genoux croisés comme ceux du scribe pensant pratiquer le retour à l'origine car  l'écriture littéraire est toujours une tentative de retour aux sources du langage.

En allant vite dans le temps (comme le dénonce Paul Virillo) mais en ne sentant plus le déplacement du voyage (enfant quand je téléphonais à New York il y avait un temps de retard pour que la réponse parvienne - comme aujourd'hui avec la  télévision numérique ce qui permet de constater que DIRECT n'est pas simultanéité - ce qui peut laisser prévoir une forme de censure, coupe même dans le flux du direct.) on a l'ordinateur sur les genoux et sur la plage, on peut écrire et communiquer partout où passent les micro-ondes du WI-FI. Alors que, vanité des vanités, l'aller et retour dans le temps n'est qu'un aller sans retour dans l'espace: ce n'est pas parce que je j'ai l'impression d'être ubiquiste que je ne vieillis pas.

Ainsi il m'est arrivé d'écire (work in progress) de verser sur le serveur, et de recevoir un mail dans les heures qui suivaient (7h tout record battu).Le temps du courrier à l'auteur tendait à disparaître et commençait à me rappeler le regard du maître d'école derrière le dos de l'élève.C'est fort gênant de sentir quelqu'un lire par dessus vos épaules en même temps que vous écrivez. Après-tout: rien n'empêche un écrivain de se mettre en scène avec une web-cam au moment précis où il écrit. Mais nous sommes dans l'ère du désenchantement (scientifique) et la littérature médiatisée n'est plus de l'ordre du secret.

Même la chambre noire du photographe avec la lampe rouge (comme au bordel) interdisant de pénétrer, a disparu avec le numérique.

On dévoile tout. Le work-in-progress sera désormais sous un tulle transparent. La déplorable attirance pour les Making off et autres coulisses de derrière les rideaux est une véritable obscénité qui ne peut déboucher que sur la déception.
Même si parallèlement je peux envoyer un mail à un e-lecteur et que celui-ci me réponde plusieurs semaines après comme si c'était une malle-poste qui lui avait livré le message avec deux chevaux attardés. La distance et l'instantanéité deviennent illusoires à part égale.

Mon premier référencement date précisément du tout premier forum dans lequel  j'ai lu le mot d' e-lecteur, à savoir Zazie-web: "LA COMMUNAUTÉ DES e-LECTEURS" qui me renvoyait au fantasme de l'e-book (aujourdhui à la feuille de papier-électronique-à-mémoire au format A4, capable de mémoriser 500 livres) et d'une bibliothèque que je pourrais choisir petite comme une urne en bois précieux enfermant mes 3000 volumes très lourds à déménager. Cet e-book pourrait être lui-même enfermé dans un coffret du plus beau cuir animal et doré sur tranche par d'épaisses feuilles d'or. Où serait le scandale  si en plus cet ouvrage bourré d'électronique était rouge vermeil et posé sur un lutrin dans une pièce pas plus grande que des toilettes et qui ressemblerait à un petit cabinet de lecture: comme le lieu d'aisance où le philosophe aimait lire.

"JAMAIS on ne lira un livre sur un ordinateur de poche" affirment les iconoclastes paradoxaux.
Nous ne sommes plus au VIII eme siècle et tout le monde se soumet au culte des images.
Les enfants qui résistent affirment encore qu'un livre de "VALEUR" est un livre sans image.

---- Du texte, rien que du texte et encore du texte (sauf pour la littérature électronique où l'idée même est exclue. Mais si l'on considère les progrès de la technologie (comme le téléphone à l'étranger) et que l'on feuillette les livres comme on le fait à la nouvelle BIBLIOTHEQUE D'ALEXANDRIE (célèbre pour ses 700 000 rouleaux de papyrus), en passant son doigt sur l'écran tactile lui-même posé à plat et aussi mat qu'une feuille blanche ... on se demande?... si les bibliothèques ne vont pas se vider de leurs lecteurs sans e- ? et je suis bien placé pour le constater. Parmi les élèves de terminale le COPIER-COLLER règne en maître et sans vérification des sources. Pourquoi consulter le très lourd TLF publié par le CNRS en 16 volumes alors que celui-ci est sur le Net avec un remarquable moteur de recherche? Pourquoi consulter l' Encyclopedia Universalis, pourquoi feuilleter un Atlas quand Google Earth vous offre tout le globe! ...  (je ne parle pas des publications scientifiques) ... mais par contre pour lire un roman de Julien Gracq il nous faut toujours (pour l'heure) prendre le coupe-papier et découper les pages d'une édition Corti pour mériter le texte. Jadis et naguère le copié-collé existait déjà: Bartok et d'autres ont "empruntés" des thèmes populaires qu'ils avaient souvent, uniquement mémorisés par audition (sans notes ni magnétophone).

Il y a quelque temps, après avoir rédigé un Mémoire sur Jean-Marie Gustave Le Clézio (qui affirmait qu'il n'écrivait que pour communiquer avec les autres: ce grand timide) , 1 - je me décidais à lui écrire (avec mon stylo bic) 2 - (la réponse tardant à venir) à sonner à sa porte (à Nice) entre temps sa lettre me parvenait - ce qui ne m'a pas empêché d'aller appuyer sur le bouton en cuivre du timbre de la sonnette du troisième étage.
Je possède toujours sa lettre (comme celle d'autres écrivains) et telle une RELIQUE je peux toucher le papier et sentir l'odeur passée de l'encre. Un mail d'un e-lecteur reçu, lu, non-imprimé et effacé (jeté à la poubelle par pur plaisir de l'analogie) n'a pas grande saveur même si c'est de l' INSTANTANE.  En cela le numérique virtuel (à moins d'atteindre au cinéma tactile et parfumé de la science-fiction) restera toujours en-deçà.

Pourtant l'instantanéité de la communication peut avoir de l'influence entre lecteur - auteur - lecteur.
J'écris, je publie (j'édite), l' e-lecteur lit, imprime (print) , réfléchit (un certain temps ou pas du tout) et répond de suite à l'auteur par le MAIL-TO.  Horrible immédiateté!
Si je lis un livre de littérature acheté mardi en librairie, le temps que je le lise, que j'y réfléchisse et que je trouve une fausse adresse (celle de l'éditeur) pour écrire à l'auteur: il va s'écouler de l'eau sous les ponts qui fera même que l' AUTEUR pourrait devenir un célèbre mort.

Bref, je considère que la spécificité de l' e-lecteur est de pouvoir être vivant en même temps que l' e-criturien, moi qui ne parle que de la mort. De même l'e-lecteur s'approprie une nouvelle technologie pour communiquer (honnêtement ou non) avec son identité ou par un pseudonyme à une autre identité ou un autre pseudonyme, même si la pratique du pseudo ou de l'anonymat n'est plus très fréquente dans les médias (il convient d'être re-connu) . Je n'ai qu'un exemple contemporain de livre anonyme (et encore?) dans ma bibliothèque. Tout le monde sait qui était Emile Ajar ... depuis le risque de non-rétribution est trop grand!  

Enfant, j'allais souvent me promener et visiter les trouvailles de Vinci "da Code" au Clos Lucet, à côté d'Amboise et de Tours où mon père est mort à mes 11 ans. Ses folles machines d'anticipation (y compris l'hélicoptère) me ramènent tout droit à la publicité des premiers ordinateurs Apple (qui vous invitait à être Gutenberg) et du secret de l'anonymat. Vinci me ramène à  Verne et Verne à Nantes (moi le pur Nantais, même s'il vécut à Amiens). Si Jules Verne et le Capitaine Nehemo avaient pu recevoir des e-mails d'un industriel de la NASA, celui-ci lui aurait dit qu'ils avaient raison de prévoir le lancement de la fusée de la terre à la lune à Cap Canaveral.
Dès lors, aucun regret de ne prêcher que la mort pour tout le monde (la communauté) car on ne risque rien et ne fait que de l'anticipation tragique à bas prix.

Et pourtant, quelques e-lecteurs me surprennent en flagrant délit d'un crime commis il y a plusieurs millions d'années, quand un singe-ancêtre a pensé que ce qui arrivait (il ne se passe jamais rien, parfois il arrive des choses) à son congénère allait nécessairement lui arriver à lui aussi et m'écrivent (bêtement) pour me dire: "Mais oui, je vais devenir "adepte" de votre "site". Tout ceci me fait penser à une réplique des "Visiteurs" (évoquée comme ritournelle par un adolescent de mes amis) "On va tous y mourir". Et si on s'en tenait à cette simple et unique évidence, un lien fort (non hypertextuel) nous tiendrait uni. La représentation du tragique et l'introduction de la morale pourrait améliorer le politique. Mais les acamédiciens ne pourraient plus être des Immortels.

Je me suis lancé dans l'e-criture électronique, surtout et avant tout pour une spécificité que je n'avais trouvée nulle part ailleurs, même pas dans le cinéma: je voulais avec la lecture d'un texte donner à voir - ou ne pas voir - une image et que les lecteurs puissent me donner leur avis sur l'influence de l'image sur le texte ou au contraire le refus de voir une image dite "insupportable".  
L'idée d'éditer le livre et d'envoyer au lecteur sur sa propre demande la photographie m'était alors venue.
Ce devait être possible  sur quelques exemplaires mais cela allait en plus poser des problèmes de droit: c'est du moins ce que me répondaient tous les éditeurs. Tout cela était tout aussi difficile à obtenir que des gros caractères en couleurs ou des insertions CDRom entre les pages.  

Bref je touchais du doigt la pratique de l'idée d'interactivité que je détestais à l'époque car elle était réservée aux "jeux électroniques", en ce sens que je voulais la faire ressembler à un véritable dialogue.
Puis un informaticien de mes amis m'a proposé de faire un site - ce qui résoudrait tous mes problèmes - y compris du côté de la bande sonore.
----- Mais je continuais à me demander si les lecteurs qui passeraient la page image du texte, "consentiraient" à me contacter.

             Sans vouloir enfoncer le clou qui chasse l'autre j'aimerais en revenir à la "définition" de la littérature selon Maurice Blanchot : en effleurant la question du neutre, de l'art et du sacré, du récit et de l'idylle, de la figure du Media Noche, des récits de Jean-Paul,  de Kafka et de Kierkegaard. Les eaux noires et profondes dans lesquelles navigue le véhicule de Nehemo en même temps que celui de la littérature sont celles de l' Attente, celle dans lesquelles on se plonge quand on fait l'exercice de la patience. La mort n'en finit pas d'arriver.
         D'une certaine façon, l'e-lecteur qui écrit à un auteur a envie de parler à un mort-vivant. La communication électronique me place comme e-criturien en totale synchronie avec l'e-lecteur.

Partant de là, je veux bien écrire dans l'espace de la poesis,  de la praxis et du métexis. Ecrire, c'est aussi se salir les mains. Ce sera une écriture noire pour une lutte blanche (perdue d'avance) et internet en sera le lieu qui sera de plus en plus commun.
 On trouve tout sur internet (gratuitement) , tout le monde peut participer (pour l'heure avant le retour de la Censure douce) et tout est à tout le monde. Tous les sites sérieux se font un honneur de placer un lien invitant le visiteur à dénoncer les débordements des autres.

Continuum................................ : Du jour (qui était une nuit) où enfant j'ai connu la mort, je suis tombé dans le Grave en étant dispensé du Sérieux et j'étais condamné à me débattre contre l' incommunicabilité. La solitude existentielle imposée par la mort de mon papa-dieu allait devenir invivable. Je me retrouvais "seul" avec la mort (sa mort + ma mort) qu'on allait désigner pour moi du nom d' absence ... et tout à ré-inventer. Mes parents qui m'aimaient tant avaient tant fait... et je me retrouvais avec tout à refaire: tâche que je pressentais impossible.
    Comment vivre avec autant de manque à combler?  L'échelle de Jacob ne monte nulle-part mais on peut toujours en gravir les échelons: lire, voir des films, écrire, fabriquer des films... Faire un site Interactif, multi-médias.
Enfin père moi-même, je découvrais avec ma petite fille, l'instantanéité de la communication écrite par les oreilles en caoutchouc de l'année 1982 - et ne pouvais me retenir d'espérer que la communication entre les individus éloignés  devienne l'enfance de l'art.

Un ami  me confirme qu'il ne peut aller sur mon site car après il n'a plus goût à rien mais que sa femme est devenue une "adepte" me donnant ainsi la preuve de la réalité de ce que je crois être une communauté.
Un autre très vieil ami, professeur de Latin et de Grec  m'a boudé le jour où je lui ai demandé de me servir de correcteur de  coquilles, autrement appelées fautes d'orthographe.
         Attention aux fautes m'a écrit un des papes de l'écriture électronique. Pas la lettre qui manque, pas la lettre mal placée (elle aussi dans un réseau orthonormé) mais le manquement à un Tu-dois moral de la belle et bonne écriture.
              Constatation obligée que si on se trouve être un prolétaire qui ne connaît pas l' Ortho-Graphe mais, bien, les ordinateurs, on n'a plus qu' à se taire, à enfiler le capuchon sur le stylo, à retourner au silence originel de sa classe sociale.
      Un autre  m' a écrit: "Tu n'as pas peur de conduire des jeunes de moins de 18 ans, au suicide". D'où une panique qui suivit et m'a contraint à porter une interdiction fictive aux mineurs ... qui ne s'empressent pas d'aller sur le site (ce sont les adultes qui paient les abonnements) très décevant pour eux.
La chair est triste mais je n' ai pas lu tous les livres alors le doute s'instaure.
Ceux qui conduisent les autres aux "nouvelles formes d'esclavagisme" n'ont pas peur des nouvelles technologies.
       La plus redoutable de toutes les interventions fut celle d'une habituée qui m'envoyait des "reproches" très estimables qui m'ont, finalement conduit, par un abus de pouvoir (de sa part) à m'auto-censurer dans un premier temps car je trouvais ses remarques "justes et justifiées", puis dans un second temps, à changer l'adresse du site ... Mais avec les progrès des moteurs de recherche, l'e-lectrice m'a rapidement retrouvé : comment échapper aux indésirables (mineurs ou autres?). La toile du web n'a rien à voir avec une vitrine choisie du Quartier Latin.

Reste, qu'à bien y regarder on m'écrit le plus souvent pour me demander pourquoi tel "icône" ne s'ouvre pas? tel son n'est pas audible et surtout pourquoi "ON REVIENT A LA CASE DEPART" (de l'importance de la symbolique du "Jeu de l'Oie") : ce fut l'un de mes premiers véritables e-lecteur sérieux qui me portait à m'interroger sur mes trops longs chemins (LIENS LABYRINTHIQUES). <indexrepetita.html>    

Enfin pour conclure, je me dis (hic et nunc, mais cela ne va pas durer - trop longtemps , j'espère) que le seul type de communication que mon humble tentative a réussi est du type : Le répondeur de  l'émission radiophonique de Daniel Mermey :Là-bas si j'y suis ou "Le téléphone sonne". Le fait est, un jour viendra, nous irons tous voir ailleurs si nous y sommes.  
         je m'étais dit (au départ, en me rassurant) l' avantage, c'est qu'on ne peut pas recevoir de lettre électronique anonyme.
Mais avec les progrès techniques , je me suis aperçu que cela était faux et je me retrouvais enfermé dans la case départ.
Le funambule est mort quand il monte sur le fil. <desnos.wav>

       Plus le temps passe, plus je pense que mes plongées dans les abysses de la littérature ressemblent au saut à l'élastique où alors au largage des amarres.
Comme une vague qui vous assomme en vous frappant la nuque quand vous êtes sur le point de remonter vers la plage.
Quand la grande catastrophe finale arrivera,  je m'y serai préparé, j'aurai anticipé et me serai fait tout un discours à coup de futur antérieur. Dans tous les cas de figure tout se mesure à l'échelle de l'expérience ultime.

          <independence.mov>  Petit épilogue  pour ceux qui opposent la dépense à l'économie selon Georges Bataille, même si cette dépense devient rétention, pour ceux qui après Lacan s'aventurent dans "la petite mort", l’orgasme de “Madame Edwarda” analogique de la suspension provisoire du manque et du désir, en pensant d'avance à l'autre mort qui abolira Une fois pour toutes,  les multiples tensions de la vie.
 Les visages du plaisir ont une étrange similitude avec ceux de l'agonie.
 L'Eglise ne s'y trompe pas qui condamne l'homosexualité, l'avortement et l'onanisme érotique des enfants.  
     La part maudite c'est ce qui consumme le sexe. Les moyens de production d'énergie et de biens de consommation, la toile informatique, les nouvelles technologies entraînent un surplus d'énergie humaine de plus en plus important. Cet excédent se consume dans de nombreux services (banques, assurances, etc.), en organisant des processus de vente toujours plus agressifs, en créant de nouveaux objets qui répondent à de nouveaux besoins nouvellement créés. Et bien sûr la guerre, moyen d'une efficacité redoutable. Mais dans la paix capitaliste il faut tout de même brûler cette énergie qui pourrait- être utilisée à de mauvaises fins contre le Kapital.

  LA VITRE ET LE GOUFFRE ou Surface et profondeur

 - la création étant la pertinence entre les deux, de même que l'écriture limite aurait un espace étroit entre la surface et les abysses -

Afin de ne pas écrire n'importe quoi il faut savoir que l'eau de l'océan absorbe tout rayonnement électro-magnétique et qu'au delà de 500 mètres de profondeur on ne voit plus rien de la surface.
La lumière véritable, comme celle des créatures auto-luminescentes, ne peut venir que de la ténèbre originelle; c'est un fait et pas un oxymore. Des salamandres albinos nagent dans les eaux des grottes les plus profondes.

Il ne faut  pas perdre de vue que nous sommes des êtres de surface, nous ne sommes ni des mouflons ni des calamars, nous sommes conçus pour vivre à 20° et au niveau zéro (celui de la mer). On pense et on se déplace à la surface du monde et après le corps s'enfonce dans la terre et l'âme s'envole au ciel; à moins que l'on fasse un arrêt sur image.
 Out of breath..................... Alors il faut parfois quitter la Pensée de surface, là où les bulles de la pensée des profondeurs viennent exploser dans la conscience. Quant aux ordinateurs qui nous gouvernent et nous surveillent, ils travaillent à la surface des cristaux de silicium qui les composent. La véritable A.I est un cristal qui songe.
Nehemo mon capitaine est à l'image de la dialectique qui unit l'écriture (procédés linguistiques) et la question du sens (profondeurs) .

       Le verbe ange substantiel devient le moteur du véhicule mais aussi  du chemin lui-même.

Emergeant de l'eau, le plongeur a toujours l'air de sortir du ventre de sa mère. Il lisse ses plumes, s'ébroue comme un chien et se roule à la surface des prés comme si au-dessus c'était mieux qu'en bas.

Ce qu'il faut avant tout réussir dans sa vie, c'est à iriser et rendre scintillantes les terreurs issues du gouffre (Pascalien) et aussi à rendre sensible le tropisme solaire au fond des abysses. Poë a sondé ses fonds lugubres d'eaux lourdes et mortes pour en faire surgir le périscope de la Raison qui résout les énigmes et nous écarte du gouffre menaçant.

Dans "Le Guignon", Baudelaire avoue: "Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli
Bien loin des pierres et des sondes"

Ce qu'il faut, c'est pouvoir plonger dans l' Innommable à la limite de l'impossible pour en émerger VIVANT.

La surface du monde ne révèle rien d'autre qu'elle même, coincée entre le vide du ciel et les entrailles de la terre.

La surface de l'eau est comme une vitre qui accentue les limites de chaque objet. La transparence devient un "vide liquide". Le nageur d' Elévation sillonne "l' immensité profonde".
La sonde échographique "mini-focus" balaye la peau humaine et donne naissance à une image volumique de l'organe malade.
Le papier du livre Gutenberg était la surface de la graphie jusqu'à l'époque de la rupture révélée par l' apparition du numérique.

Ce n'est pas parce qu'on nage dans l'hypertexte en besognant les langages de programmation qu'on atteint plus vite les profondeurs de l'esprit.

Le sous-marin remonte à la surface comme le dormeur remonte du sommeil profond.

"Ce coup avait envoyé tout d'abord Lucien au fond de l'eau; mais il frappa du pied et revint à la surface, en se jurant de dominer ce monde". Balzac, in Les illusions perdues.

Sous la surface est la profondeur de la nuit et de l'oubli en vue de la renaissance.

Ne vous laissez pas torpiller par les maîtres qui vous gouvernent.

L'avantage de l'écriture UNDERSEA, c'est qu'elle n'a plus les pieds sur terre ni la tête dans les nuages. Apprendre à se laisser descendre dans les abysses de l'âme avec des chaussures de plomb et se laisser remonter lentement, les pieds nus, vers la limite de séparation des deux éléments. Le reste du temps comme écrivait du Bellay à propos d'Ulysse "plein d'usage et de raison - Vivre entre ses parents le reste de son âge."

La bien nommée Discontinuité de Gutenberg , autrement appelée le Manteau terrestre avec ses 2900km de profondeur, attire le voyageur inconséquent qui ne sait pas remonter à temps.

La metaphora  du circum-maritime de Nemo a été suggérée par George Sand. Edgar Poë et Homère sont souvent cités. C'est le talent de l'auteur des "Travailleurs de la mer" qu'il faudrait à Nemo pour peindre les merveilles des profondeurs.
Que je puisse être enfin  l' Extinctor du Leviathan qui hante ma vie.
On n'a pas d'autre solution que répondre correctement à l'énigme du Sphinx pour délivrer nos crânes des cauchemars de la nuit.
Ce n'est pas pour être pétrifié qu'on voyage sous la surface des choses mais pour être "mobilis in mobili".
Je décidais donc de m'enfermer dans mon sous-marin noir, véritable prison flottante pour dicter les lois et espérer devenir "libre" parmi les hommes.

Que tout lecteur soit un Aronnax et se demande où veut l'entraîner la "fantaisie du capitaine".

            Ecrire undersea, être un sous-marin noir c'est espionner, spéculer les eaux profondes à défaut de pouvoir comme Alice et Cocteau traverser la froide "surface de verre poli". La longue vue du marin rapproche comme le microscope électronique plonge à l'intérieur de la matière.

Ma figure de rhétorique préférée restera toujours la mise en abî(y)me.
Rien de plus épuisant qu'une expédition lointaine quand on sait qu'il n'y a rien d'autre à trouver que soi-même.

Pour tout bon bibliophile, la surface d'un livre doit être du cuir pour ne pas dire de la peau. Rien de plus beau qu'un livre relié en cuir avec de l'or sur la tranche. Les plus riches bibliothèques sentent la cire  qui protège les parquets-fougères et recouvre la peau des livres. Les titres aussi sont imprimés en or comme les épitaphes sur les froides surfaces de pierre polie qui servent de dalles aux pauvres morts (par ailleurs oubliés de tout le monde - les cimetières sont devenus déserts - sous la lune ou sous le soleil - rien que des menhirs emplis de textes que personne ne lit plus.) Les actes notariaux jalonnent nos vies. Lisez braves gens, ceci est ce qui reste de mon corps mais mon âme est dans la marge.
Ceux qui osent s'approcher et toucher la coque du Nautilus sont électrocutés et grillés vifs comme un condamné sur la chaise. Némo s'est fait comme prométhée voleur d'électricité, comme l'artiste voleur de feu, comme Le Voleur de Darien (casseur de vitres ) qui fait un sale métier mais le fait bien. Quand la fissure se fait et que l'air entre dans les poumons des petits d'hommes, cela les fait crier de douleur autant que l'eau amniotique qui entre par la carcasse du sous-marin.

         Les yeux du Poulpe Léviathan de la Gorgone Méduse, dévisageaient Nehemo pour lui interdire  d'oser être Personne.
Plonger dans les eaux troubles du langage pour y voir plus clair, en évitant de s'embourber dans les langages de programmation du Net art pour de toute façon finir par revenir au parchemin et à la plume d'oie holographique. Communiquer est devenu l'enfance de l'art, laisser une trace aussi éternelle (c'est à dire relative) qu'une marque de pneus d'une Jeep sur la lune qu'aucun vent n'effacera, est devenu un but souvent méprisable au nom du "Carpe diem Kapitaliste". Prendre soin d'éviter l'étrave du Dark Sbmarine, tel est le premier devoir. Le capitaine du livre affirmait qu'il aimait son vaisseau comme la chair de sa chair. Le gouffre attribué par Baudelaire à Pascal, est précisément celui celui qui pousse à écrire sous la surface des choses au risque de voir ce que "Dieu a voulu interdire au regard des hommes".

Résoudre symboliquement le problème de la mort telle est la mission du Dark Submarine qui s'enfonce dans les abysses empruntant le chemin d'une chute interminable.
A la surface de l'océan du Globe, lui-même voguant au sein d'une poudrière nucléaire, il y a le désir qui frôle les vagues
au dessus règne le Tu-dois de la morale des hommes
au dessous, dans le froid des abysses qui jouxte le feu du "centre de la terre" il n'y a plus que les lois de la nécessité et il y en aura toujours plus à voir dessous que dessus. En remontant, le plongeur regarde la surface comme sous les jupes du monde.
La profondeur c'est aussi l'intérieur et le caché, l'invisible et le censuré. Le Dark Submarine nage à la subsurface avant de plonger dans la profondeur du profond pour faire sens. Le fond s'éclaire de ce qui "arrive" à la surface.

Heureusement: la vie tient à un filin d'acier,
à un fil de salive tendu entre deux lèvres béates d'étonnement
à un fil de soie et de toi (l'autre forcément indispensable)
à un fil de téléphone, un cable de liaison, un réseau d'ondes entre la terre et le ciel
à un fil de flux chimique entre les neuronnes
à un fil de toile d'araignée (son piège détruit par une main géante, l'insecte n'a plus qu'à mourir de faim)
à un fil de goutte à goutte à l'hôpital, un branchement électronique pour surveiller les pulsations de la vie
à un fil ombilical qu'on passe toute une vie à essayer de couper
à un fil d'acier pour passer en apnée de la surface à la profondeur du Grand Bleu
à un fil de ligne de chemin-de-fer qu'on suit car il conduit forcément quelque part
à un fil d'histoire ou de discours qu'il ne faut jamais perdre
à un fil de ligne qui seul peut aider le plongeur-explorateur à retrouver la direction de la sortie
à un fil d'Ariane pour pouvoir ressortir vivant du labyrinthe
à un fil de canne blanche pour ne pas glisser dans le sang
à un fil de suture qui retient encore le soldat à sa vie
à un fil de bave qui va de la bouche au crachoir du dentiste
à un fil pendu en haut d'une poutre quand le condamné n'a pas encore été gracié
à un fil qui retient la barque dont on ne peut se décider à couper les amarres
à un fil d'alarme qui retient l'habitant à sa maison-refuge
à un fil optique qui conduit les informations numériques à la vitesse grand V
à un fil de fer  qui conduit le funambule d'une berge à une autre semblable
à un fil qui retient la bonde du bain matriciel et chaud
à un fil de métaphore ...
à un fil rouge de malade du SIDA
à un fil à la patte qui retient le prisonnier à son boulet
à un fil de trame que l'on tire sans y penser quand on attend avec angoisse des résultats d'analyse dans un laboratoire médical
à un fil qui retient le chien-loup à sa niche pour prévenir son maître du grincement des roues de la charrette de l'Ankou
à un fil de film de souvenirs d'enfance qu'on regarde en pleurant
honneur à "Spider" de Cronenberg
au fil des pages du livre vermeil ...

Dans l'obscur grenier à blé, l'enfant terrorisé écarte nerveusement les fils de la vierge et les toiles d'araignée pour atteindre le rai de lune qui passe par l'œil-de-bœuf.

La trame du Net ce sont les câbles de fibres optiques et les "ondes wi-fi".

Considéré comme un sous-écrivain par mes relations éditoriales qui me reprochent souvent d'écrire dans le vent et pour des hyperlecteurs anonymes (opposés aux clients habituels - enseignants de préférence - qui vont toujours dans la même librairie, Parisienne si possible) je me vois aussi reprocher le risque de voir mon serveur et mon fournisseur disparaître un jour en volatilisant tout!  
         Certes, toute œuvre d'art n'a pas la chance d'être la Joconde et d'être conservée pour l'éternité (très relative) dans du formol, derrière trois couches de verres anti-balles et une multitude de protections électroniques anti-vol;  
mais cela importe bien peu aux yeux de celui qui écrit dans son sous-marin. Si jamais l'hebergeur avait la mauvaise idée de laisser détruire ses serveurs alors j'irai chercher mon œuvre dans la boîte à allumettes où je l'ai conservée. Quand je secoue la boite j'entends sauter les cartes-mémoires à l'intérieur. Un mini-disque dur de 6 Go et trois mini CD-RW de 8 cm renforcent la protection. Ajouté à cela une édition papier reliée par mon imprimeur de quartier, de toutes les pages du site. Il va de soi que pour que l'œuvre puisse remonter à la surface et faire revenir les lecteurs-nageurs dans la course il faut le spectacle du Net.

La plus belle des symphonies de Mahler n'existe qu'au moment où elle est interprétée par les musiciens dans une salle de concert, n'existe que le temps de la représentation. Entertainment and literature.

Les livres qui vont au pilon n' hurlent jamais de douleur. L'écrivain opiniâtre peut reprendre son manuscrit ou, à défaut, ses idées.

Etant conservateur autant que lecteur ou navigateur dans les eaux profondes je me doute bien qu'un jour les Maîtres du Net choisiront par le biais d'instances tout à fait légitimées, les œuvres qui mériteront d'être conservées sur DVD-ROM dans un département de la BNF ou de l' INA.

Le ressac à fait s'échouer une bouteille lancée à la mer voici cent vingt sept ans, avec à l'intérieur, roulé un chef d'oeuvre de poésie. Pourtant la plage était déserte et le restera jusqu'à la fin du monde.

"Quelques nouveaux leucocytes adhèrent à la paroi alors que la majorité d'entre eux ont quitté le vaisseau et ont déjà pénétré profondément dans le tissu voisin." ... c'est le flux du sang dans le réseau des profondeurs du corps qui fait la vie
comme c'est le flux de la lumière réfléchie dans les fibres optiques des réseaux underground qui fait l' œuvre du Net à la surface des écrans cellulaires.

Sans électricité pas de Net et sans chandelle allumée pas de lecture possible mais on peut lire au grand jour.
       Il reste caché dans notre cerveau reptilien quelque chose de la peur du noir d'avant le feu, quelque chose de la peur d' Axel, perdu au Centre de la terre qui voit sa lampe s'eteindre fatalement: "Je n'osais plus abaisser ma paupière, craignant de perdre le moindre atome de cette clarté fugitive. A chaque instant il me semblait qu'elle allait s'évanouir et que le noir m'envahissait." Le même Axel avait pourtant pris des "leçons d'abîme" en montant au sommet d'un clocher.

Je me souviens aussi d'une petite fille aveugle, qui dans un entretien clinique insistait sur le fait qu'elle "avait peur du noir"... puis "voyant" que cela ne marchait pas auprès de sa mère finissait par dire: "j'ai peur des bruits que je ne connais pas".
                     
                                Quant au silence absolu, au silence sourd, si vous l'ajoutez aux ténèbres vous obtenez un résultat qui doit ressembler au néant.