Les PFG (Pompes Funèbres Générales) ont bien fait leur travail:

La tombe ne fut pas brisée lors de son enlèvement

Elle fut exactement remise en place

Comme si de rien n'était

Avec en plus une nouvelle inscriptionGravée en Lettres d'or

Suivie des deux dates bornes de la vie.

Cela me fait toujours penser à ces dictionnaires qui prennent soin de laisser entre parenthèses, un espace avec une croix pour signifier que la personnalité est encore vivante.

 

Quand je suis rentré dans le cimetière sous le soleil de midi à l'heure où les gens mangent pour prendre bien soin de rester en vie, il ny avait comme on dit "Pas âme qui vive" sinon: Moi, Je, Celui-qui passe comme l'ombre solitaire "et glacée" dans un jardin tranquille.

J'avais beau regarder tout autour; pas l'ombre d'un chat, pas l'ombre d'une petite vieille en train de changer l'eau des fleurs: no body!

Donc, je me retrouvais seul avec moi-même face à la dalle avec en-dessous ma maman reposée sur les restes de mon papa. Je me souvenais de ce maudi jour d'avril où je rentrais pour la première fois dans le cimetière avec mes douze ans pour pleurer.

"O triste, triste était mon cœur,

à cause, à cause" de mes parents qui m'avaient par deux fois laissé Là.

Et si c'était vrai, l'histoire des 21 grammes que nous perdons tous à notre mort? comme un "supplément d'âme pesant le poids d'un Colibri". Mais penser à la survie de l'âme comme disait Camus, c'est encore commettre un péché contre la vie, c'est en espérer un autre et se "dérober à l'implacable grandeur" de l'autre. Une âme d'enfant qui s'envole, cela ne doit pas peser bien lourd, pas plus lourd qu'une fleur de pissenlit, de celle qui devient poussière dès qu'on souffle dessus.

Derrière le monument familial, comme disait ma tante, il y a toujours le petit ange en céramique blanche posé à même la terre, entre quatre tombes, sans dalle. Son corps devait être si petit qu'il aurait tenu dans une brique alors à quoi bon toute la surface d'un marbre. Peut-être n'avait-il pas plus d'esprit qu'une linotte, le passereau à la gorge rouge, bien moins encore car il n'y a pas plus démuni sur terre que le Petit d'Homme.Ainsi donc en quelques mètres carrés se trouve: le père, la mère, le fils ... et le saint-esprit.

D'un geste geste machinal, je chasse les feuilles mortes de la pierre comme si la propreté leur était encore de quelque importance

Puis je vais emplir un arrosoir d'eau à la pompe à main

Puis je vais jeter les dernières fleurs pourries et puantes dans la corbeille pleine à craquer

Puis je mets à la place une orchidée artificielle qu'elle avait dans sa chambre: "comme cela elle sera un peu chez elle" ... mais non, c'est évident et idiot, je n'en pense pas un mort

Mais je ne sais plus

Là, hic et nunc au pied de la fosse je ne sais plus rien sur rien

Car avec la mort le doute "s'améliore"

La mort c'est le doute absolu; du moins tant qu'on est vivant. Je me souvenais que quand ma mère venait sur la tombe de son mari se perdait toujours dans les allées

et pour s'y rendre, et pour sortir du cimetière.

 

Là, dans les allées du Jardin Tranquille, ma pensée n' a rien de plus élevé que celle d'un chien qui meurt et qui ne saura jamais ce qui lui arrive.Jadis, dans le célèbre garage de mon grand-père, qui lui servait aussi de salle de cinéma, rien que pour moi, je vis des heures durant agoniser mon chier Bouvier avec son poitraille qui se soulevait à n'en plus pouvoir et la bave qui lui coulait de la gueulle. Et puis on vint dans ma chambre deux ans seulement après la mort de mon père pour me dire: "ça y est Dooly est mort".

Pèpère regrettait seulement de ne pas avoir eu le courage de le faire piquer.

Quant à mon autre chien, il est mort dans mes bras car en le portant je l'ai étouffé (mais j'avais 40 ans).

La pensée d'un animal qui meurt; je n'en sais pas plus long.

Un mois après me revoici dans le même labyrinthe du Jardin Tranquille et une fois de plus j'y suis seul. En remontant vers la chapelle je croise enfin une vieille femme qui s'en revient tête basse sans penser même à me saluer. Un jour de pélerinage Baudelairien V... et moi avions manqué nous perdre dans le cimetière Montpatnasse au moment de la fermeture. Nous aurions dû dormir avec tous ces morts qui ont leur nom dans le dictionnaire des Noms propres et cela nous faisait sourire. Même Pierre Larousse y repose depuis 1875.

 

Pour la deuxième fois on enterre ma mère,

Et c'est pire encore: c'est comme si je la tuais en vendant et faisant vider les meubles de l'appartement: par bonheur j'ai sauver quelques meubles de la Fournaise Ardente.

Mais je l'entends crier de par dessous la terre: "Ne crains plus rien de moi, je suis morte et bien morte" la preuve c'est qu'il ne reste rien, mon corps a disparu de ta vie et de ta vue, les meubles et l'appartement où je vivais ont été dispersé. Continue à conduire ma voiture et à penser à moi à chaque fois que tu poses tes mains sur le volant."

Réveillez-vous les morts et sortez de votre fosse comme dans les bon vieux films de série B. Laisser la vermine qui tombe de vos orbites envahir nos lits douillets et laissez la puanteur emplir notre air.

Réveillez-vous, VIVANTS !