"Dieu est un grand mal poli, je lui confierais pas mon p'tit" (Brigitte Fontaine) 

Nous finirons tous bouffés tôt ou tard.

Sommes tous des Jonas en herbe, sauf que personne ne sera vomi trois jours après sur le rivage.

Finalement sommes plutôt des crevettes ... des électrons des neutrinos des quarks… des particules élémentaires observées dans des accélérateurs et qui se révèlent être aussi de véritables intermédiaires des confins du cosmos .

Et pourtant... nous avons un tel désir de voir l'invisible avant de plonger dans l'ininvisible.

Verrons-nous un jour les « briques élémentaires » de la matière ?

On va pouvoir photograhier les régions les plus éloignées et les plus opaques du ciel pour mettre en images de Synthèse l' Origine de monde.

Ce que nous appelons la pensée mentale ne serait-elle que l' attribut d'une structure physique?

Mis à part la nano-planète Terre, le cosmos est en ruine: les extrêmes du froid et du chaud se mélangent dans une ratatouille infecte qui nous fait croire que c'est merveille. Des mondes s'engloutissent à chaque moment dans des trous noirs hypothétiques, des enfants et des vieillards meurent dans des salles communes vétustes et les fleurs n'en finissent pas d'éclore.

 

Vincent le Vaurien et son Vaisseau Amiral

1ere époque

;;;;;;;;;;;;;;;;;Il y a toujours un couvercle à fermer avant de partir même si les volets sont réduits à la taille des paupières. Le soleil noir de la narcolepsie me plonge dans un monde d'avant le verbe où la lumière n'était même pas encore une idée. Enfant, je me retournais souvent vers la cabine de projection cinématographique et guettait l'instant où l'éclair de l'arc de charbon me ferait un trou noir dans les yeux avant de plonger ma tête entre les deux rideaux rouges largement ouverts.

Avant l'automatisme j'aimais bien entendre l'ordre du chef de gare: "Attention au départ! Fermez les portières s'il vous plaît"... et les essieux grinçaient sur les traverses.
Quant aux avions n'en parlons pas, à partir du moment où l'escalier est retiré...

 

3 - 2 - 1 - Larguez les amarres! Les moteurs étaient tous nucléaires mais ce lancement de vaisseau avec à son bord Vincent et ses deux androïdes était retransmis dans le monde entier car tous les humains de la Terre avaient leur vie suspendue à la mission. En un sens c'était pour éviter un suicide collectif que les gouvernements avaient décidé de sacrifier l'un d'entre eux.

Il n'y a qu'à fermer les volets et descendre plus profond que les abysses. Ce qui se passe dans la rue n'est guère intéressant, la vitesse est devenue la seule motivation. Le Nautilus se déplace comme un félin à la chasse tel un planeur sans moteur. On ne peut atteindre les grandes profondeurs qu'en voyageant lentement en solitaire l'esprit solidement arrimé à l'objet de ses recherches. La réponse sera un grand malheur alors on doit apprendre à épuiser les questions pour trouver la calme lassitude.

On a toujours intérêt à se protéger des embruns et plus encore de la plus haute lame de fond que personne ne pourra jamais voir arriver. On ferme les yeux, on prend sa respiration et on se laisse couler à pic avec l'espoir de flotter facilement comme  les plongeurs à bulles et les cosmonautes sans cordon ombilical dans l'espace sidéral.

 

Cette main toute frippée, que je n'ai jamais vue, restée trop longtemps dans le bain   je m'en souviendrai toute ma vie puisqu'elle se refuse maintenant à toucher les lèvres vermeilles. Le décompte avait annoncé la fermeture du hublot et le vissage informatisé des écrous en titane. La plate-forme mère avait expulsé le berceau blindé de Vincent le Vaurien alors qu'il était seulement âgé de 360 mois car Ils savaient que son voyage devrait durer 70 ans jusqu'à la fin de son siècle. Les ordres inscrits sur son U.Blog comportaient autant de programmes qu'il lui restait de jours d'espérance pour mener à terme la dernière mission baptisée "Plongée ouverte". Le dernier clair de terre ne fut qu'un flash entrevu par le hublot panoramique de l'arrière du vaisseau qui ne lui laisserait plus voir que des lumières aveuglantes qui feront du corps sacré de l'enfant vieillard un éclat de super novae.

Après quarante années terrestres il voyait encore sa main maculée de taches de vieillesse anticipée, flotter devant lui, détachée de toute origine. Sa mémoire s'effaçait à la vitesse du vaisseau et cela importait peu à ses créateurs car il devait seulement faire un rapport codé par la N...S.A. de ce qu'il constaterait jusqu'aux confins de son espace (peut-être imaginaire).

Vincent allait être dévoré par le but qu'il était censé poursuivre. On lui avait tellement dit toute sa vie que l'important était la question qu'il se posait, que la fatigue l'envahissait déjà. Les trente ans qui lui restaient à passer avec pour seule compagnie les holoscreens et les deux androïdes, étaient bouffis d'ennui mortel. Les moments (car les jours et les nuits n'existaient plus depuis longtemps) où la chimie faisait son effet et embaumait l'atmosphère artificielle de quelque espoir, Vincent se donnait encore une chance de tomber dans un Trou noir. Plein de bonnes résolutions, il avait inscrit au tableau de l'année numéro 99:"Stopper tous les moteurs, occulter tous les hublots, larguer les amarres." non parce qu'ilavait peur de ne pas s'en souvenir mais qu'il voulait avoir l'ordre en permanence au programme de sa vie. Tous ses souvenirs disparaissaient dans son sillage sauf un: jamais, enfant, il n'avait accepté une fois de jouer à cache-cache avec ses amis.

De temps à autre, une explosion solaire dans la banlieue d'une galaxie détournait un peu Vincent le vaurien de son terrible jeu de solitaire. Même l'androïde féminine semblait lasse de toutes ces années passées à veiller des soirées virtuelles sans éclat. Ses programmes d'Intelligence Artificielle tournaient en boucle ayant épuisé toutes les combinatoires possibles. Pauvre Robinson, oublié de la seule planète à vie (car il y avait belle lurette que l'homme avait compris pourquoi il était seul dans l'univers) son vaisseau voguait sans rime ni raison avec lui dessus et sa quête innocente d'humain né sous X. L'unique médium pour passer le temps qui malgré tout n'avait cessé de passer, restait la musique, quand il avait la volonté de ne pas prendre un comprimé de Nepenthes Laboratory. Et des musiques, il en avait téléchargé lui-même des millions d'heures, comme seul bagage. Du Ligeti, du Ives, du Berg, du Messiaen, du Mahler, du Chostakovitch, du Schoenberg (La Nuit Transfigurée) , du Chopin (Les Nocturnes), du Prokofiev mais surtout pas de Bach et sa cadence infernale qu'il savait trop horripilante. Au sortir d'un rêve, en ouvrant les yeux, il trouva le regard de la jeune Androïde aussi irradiant que l'avaient imaginé ses constructeurs; alors il se sentit le courage d'écouter pour une dernière fois le mouvement lent de la symphonie d'Henri Dutilleux. Les yeux noirs en nacre de synthèse lui parurent légèrement humides. Il aurait aimé écrire comme jadis mais sans personne à qui parler et sans avenir (même si on lui avait laissé entrevoir la probabilié infime d'un miracle final) la fameuse "nécessité d'écrire pour ne pas mourir" ressemblait à une légende. Après cette musique il se mettrait les ondes Marteneau d'André Jolivet. Depuis que le temps des enceintes était révolu et que de fines aiguilles faisaient vibrer tout vaisseau, Vincent le vaurien avait l'étrange sensation d'être la musique en son sein.

 

L'espace était bel et bien le monde du silence comme Pascal l'avait prédit. La vitesse du son était si lente que le bruit d'aucune explosion solaire ne lui parviendrait jamais. Le vaisseau était blindé contre tout et aucune sortie n'était tolérée car incontrôlable tant les communications informatiques les plus sophistiquées mettraient d'années à parvenir au centre de contrôle de la N...S.A. Pourtant, le seul voyant lumineux du pilote automatique se mit soudain à hurler tel un loup sentant sa mort prochaine. "Certainement un bug ou un parasite radio d'une étoile" se dit le vieux Robinson. Mais par acquis de conscience il se lança à poser la question tradionnelle. Seule une bonne vieille friture et une bonne vieille neige blanche firent vibrer l'holoscreen. Quant au  compteur d'années humaines il était lui aussi devenu pratiquement fou ( par défaut car ce voyage allait vers la Raison). La poubelle déglinguée de l'espace continuait à voguer à une vitesse asymptotiquement proche de celle de la lumière et les vieux étrons (du temps où Vincent mangeait encore de la nourriture solide) devaient flotter dans les espaces infinis comme de mystérieux météores venus du Big-bang originel. En effet, les piqûres de serum à effet retard que s'injectait Vincent avaient fait de son existence une vie de rat de laboratoire. Quelques conversations avec l'androïde masculin sur la maintenance du vaisseau le ramenaient à la vision mécaniste de l'univers. Par mégarde, une fois première et dernière, ils avaient bien failli, tous être mis en orbite, autour d'une vague étoile pour le restant de l'éternité. Alors, les deux petits robots avaient unis leurs données pour sortir de ce très mauvais pas. Attraction - répulsion: telle était la devise du monde.

Toute la Terre savait que nous étions dans la phase de contraction du Big-bang et que la matière, photons compris ("post lux tenebrae") retournait à la case départ. A moins que ce ne soit le puits ou la tête de mort.
Mais dans ce dernier cas, qu'était-ce donc que la mort?
?  Vincent se souvenait qu'en Espagnol on mettait un point d'interrogation à l'envers au début de chaque phrase interrogative, histoire de donner le ton comme on donne un clé en musique.

 

MYSTERE ... "et boule de gomme" lui chantait son grand père. Hélas, il avait beau rassembler ses ultimes souvenirs d'au-delà les étoiles derrière lui, il ne parvenait pas à se remémorer le goût de ces très anciennes confiseries. Et si l'origine du monde n'était qu'une douceur que l'on rumine pour se consoler de tous les manques passés et à venir... ? Lui revenait en tête, tout en filant la métaphore impossible, le seul mot russe qu'il connaissait, suite aux films vus du temps de la V.O: "koniec" (FIN), avec aussi (mais encore n'en était-il pas certain: "datcha" les maisons en bois du théâtre de Tchekov et des vieux films de Tarkovski. La dernière image de l'homme assis comme un enfant, avec son chien-loup devant la datcha au centre de l'océan de la conscience, à la fin du film Solaris resterait enregistrée dans sa mémoire, à jamais; pour toujours.

La météorite qui avait frappé le Vaisseau Amiral comme un ice-berg le Titanic, devait être à des milliards de milliards de lieues dans le cosmos sans que personne du centre de contrôle ne puisse soupçonner son passage. Les boucliers thermiques et anti-chocs s'étaient développés à la dernière fraction de seconde, évitant ainsi le naufrage fatal et donnant à Vincent un nouveau sursis.





En ce jour ou cette nuit de non-anniversaire (il n'avait aucun moyen, ni mental ni informatique pour le confirmer) il se décida à baptiser ses deux compagnons pour pouvoir se présenter avec eux comme entités humaine: Paul et Alice (de toute façon Virginie était un prénom qui ne disait plus rien à personne). Ce projet ne valait pas plus que Vincent mais en valait bien n'importe quel autre venu de la Terre. Il faut reconnaître qu'il avait cru voir passer dans les yeux verts de Paul une espèce de flammèche d'espoir. Cet androïde ne savait que calculer comme tous les hyper-processeurs de la nouvelle génération de bio-puces même s'il avait tout de l'humain, sauf les tripes, et cela il n'était pas parvenu à le négliger. Vincent n'avait plus jamais de maux de ventre depuis qu'il était passé au serum et concentrait tous les examens médicaux sur les plaques rouges qui maculaient sa peau brune.

Toutes les boules de billard du grand tapis vert allaient se précipiter, agrégées entre elles dans le même chas d'aiguille. Paul, Alice et Vincent deront être les premiers. Ce n'est pas pour faire un mauvais jeu de mots mais cette histoire n'avait ni queue ni tête. Les dernières  informations qu'il transmettrait sur l' U.blog de route mettraient des siècles à parvenir à la terre et cela grace à la maîtrise de la quasi vitesse de la lumière.  La planète à vie se sera consumée bien avant l'arrivée des messages. Ce n'était qu'une mauvaise plaisanterie, qu'une très mauvaise tragi-comédie. "Je devrais m'appeler Vincent le Vain", venait d'écrire le Capitaine de l'équipe. Il aurait aimer aller contempler le panoramique arrière mais il se demandait comment les gens pouvaient regarder leur passé qui s'enfuyait. Parfois le couple d' androïdes allait s'asseoir sur la banquette de cuir marron et regardait avec les yeux vides, le vide de l'espace. Cependant, leurs gentilles intentions et leurs touchantes attitudes n'étaient que des parodies copiées d'après leur unique modèle.

Vincent le Vain, nageait en plein océan d'impossible. Aucun tourbillon à l'horizon, rien que des tempêtes cosmiques, un feu d'artifice galactique sans aucun spectateur (du moins en temps normal) . Où donc aurait été le Sens de l'Univers s'il n'y avait pas eu un Témoin pour le voir. De là à imaginer que le jour où la planète à vie irait  se faire calciner en se rapprochant de son beau soleil, l' Univers se volatiliserait dans un dernier tour de magie lamentablement sans magicien. Et si Dieu était un Vaurien?  "un grand mal poli" comme chantait Brigitte. Quant à l'idée d'éternité ou plutôt de Pas-mourir: on était en pleine science-fiction. Ne pas avoir de famille, ne pas connaître son origine avait été pour Vincent, un bon départ de la vie. Ses études d'astrophysicien après les multiples échecs des trois générations de télescopes spatiaux à la Hubble, l'avaient mené bien au-delà de la voie-lactée humaine. Les "soeurs lumineuses", au sens propre du terme, brillaient par leur absence. Cela avait beau être de plus en plus, plein d'étoiles, là où il en était de son voyage, le capitaine du vaisseau continuait à voir des objets qui n'existaient plus. Les chiffres défilaient sur les oloscreens de la cabines de pilotage automantique sans que cela n'éveille aucune idée transcendante même chez l'androïde mathématique.

Ce que Vincent ne savait pas, était que tous les micro-moteurs nucléaires étaient définitivement arrêtés depuis plusieurs mois humains. La machine tournait à vide et dérivait, prête à se faire happer et mettre en orbite autour de n'importe quoi, sans aucune raison.

Contre toute attente, un ordinateur se réveilla comme pris d'un dernier frémissement de bio-électronique, et annonça d'une voix féminine, suave et apaisante: "98eme année Monsieur Vincent, vous devriez songer à enclancher la procédure finale sinon votre vaisseau risque d'être neutralisé. Merci pour votre confiance dans la mission Plongée Ouverte."  Stupide machine infernale,  pensa  le Capitaine.

Comme un mauvais présage, Alice tomba malade 248 heures plus tard. Ses gestes étaient d'une triste lenteur et ses yeux déclinaient irréversiblement. Aucune maintenance n'avait été prévue à bord, tous les investissements ayant été concentrés sur l'humain. Paul lui suggéra d'enlever la capsule nucléaire de l'androïde pour éviter tout disfonctionnement dangereux pour l'équipage. "L'équipage" Vincent se demandait si c'était de l'humour d'informaticien ou si c'était un lapsus de puce.


 

Seconde époque.

à toute étoile qui a besoin d'un Prince et au petit prince désastré

Suite et F I N de la méta-fiction de Vincent le Vaurien (bonus: "suite à la fin" ou "Les derniers avatars d'Alpha le Centaure")    
 


La lointaine réponse de Vincent Le Vaurien
ou:  Du voyage dans l'avenir sans intérêt contre un voyage dans l'impossible passé.

La surface est rugueuse mais connaît la ligne droite, le fond est lisse mais courbe et profond.


Parfois c'est un simple morceau de savon oublié sur le dallage qui vous emporte dans le toboggan de la tuyauterie mais ce n'est rien à côté de celui qui dans une salle blanche obstétricale s'en va sans oxygène dans un simple tuyau plastifié.
La rencontre avec les créatures albinos et luminescentes est des plus surprenantes mais sans surprise aucune. Les yeux rouges dévisagent le nouvel arrivant et le laissent sans aide plonger encore plus bas.
Le rêve de l' Aquadélérium peut enfin commencer: le sol de la douche glisse autant que celui du bûcher. Impossible d'échapper.
Les portes coulissantes autant que celles d'un TGV glissent et laissent échapper de la fumée blanche, aussi blanche que celle que des camps de la mort. Le corps humide est extatique autant que le reste des cendres. Les bulles de savon remontent par la bonde comme celles de l'intrépide scaphandrier.
Seuls, certains requins blancs osent s'aventurer dans les fosses profonde entre la Chine et le Japon, là où aucune lumière jamais ne pénétrera. Pour rien, simplement car le programme étrange à tous, de la vie, en a décidé ainsi.
Mais qu'on débonde un peu les océans et tout le reste partira en fumée sidérale, pour la joie du grand faiseur d'ADN.


 Et que personne ne me dise un jour que ce dernier avatar sera dû au hasard. Que l'on fasse une prière indienne, les mains dressées vers le ciel implacable au sommet de la plus haute pyramide ou que l'on s'agenouille les mains jointes en direction du dieu, aucun geste jamais n'y pourra rien. Le trou noir rempli de néant est aussi puissant que l'aspiration du fond de la piscine. Le gouffre que Pascal promenait avec lui, attend.

 Dès lors, comment faire

 

pour rester en vie? Rien de plus simple dit l'enfant du désert, d'un commun accord avec celui des sommets éternels: "Il faut penser autrement", avec d'autres catégories à la façon de certains philosophes audacieux. Un pari entre le sens et l'absurde, mais seulement le pari et pas son enjeu.
Le gouffre est plus profond que jamais et aucun spéléologue professionnel ne s'y est jamais hasardé. Une échelle de Jacob à l'envers et une torche inusable n'y suffiraient pas. "Soyez téméraire mon fils" le chemin appartient à celui qui le trace comme le sens du mot à celui qui le grave. La profondeur n'est plus de mise et seule la glisse à la surface du monde est maintenant autorisée. Les dieux ont fui jusqu'à l'infini et nous voici seuls sans retour possible. Toutes les sources d'énergie sont épuisées et il va nous falloir voler avec le génie de Vinci et de ses  Icare sur plan.
Toutes les bonnes idées sont autorisées: écrivez-nous.............................................................


C'est comme je vous le dis, qu'un jour de grande tristesse, alors qu'il était seul dans sa chambre à s'inventer des jeux solitaires
 le téléphone portable greffé dans l'os de son auriculaire, sonna.
-  Vaurien Vincent, car tel était son véritable nom de toute origine inconnue, ouvrit grand ses oreilles et entendit ce que personne avant lui n'avait compris: "C'est moi Vincent, le petit Vincent ton frère de sang, celui qu'ils ont  envoyé pour visiter le confin du monde - car il était incapable d'aucun autre voyage - et cela même avant que tu naisses, Vincent, le pauvre Vincent perdu dans son vaisseau amiral sans espoir et sans énergie, Vincent qui te supplie autant que le prêtre de tous les soleils, d'écouter un S.O.S  vidé de toute réponse."
Las de ses jeux sans adversaire véritable, Vaurien Vincent, replia son doigt pour interrompre la communication.
Le lendemain matin, il se réveilla, le petit doigt tout endormi et commença à se souvenir d'une voix numérique qui voulait jouer avec lui, en lui posant des devinettes impossibles, plus encore que celle du sphynx préhistorique. En tout cas, il savait que la réponse n'était pas: l' Homme. Quant à la vieille réponse du Surhomme ou de l' Androïde Majeur, Vincent la savait obsolète depuis des lustres.
La journée passa en silence jusqu'au soir éternel quand Vaurien Vincent ressentit une vive douleur à son auriculaire qui n'était en réalité qu'une sonnerie subliminale qui venait de loin, de bien loin, de très loin, d'au-delà les étoiles visibles,  là où le NEANT commence à prendre forme...   comme le canon que construisait Paul Claudel, à partir du trou ou comme l'effort de Samuel Beckett pour le faire "exister" : Dieu n'Est pas car le Néant existe (ce que Vincent appelait l' Anti-matière - un truc de fou inventé par une Ignoble Entité) un appel transporteur voco-iconographique qui osait désespérément se tourner vers le Temps du Devant.
Vox eternae: "Je sais que je peux à peine parler par manque d'oxygène de synthèse mais je parle sans espoir à ma descendance minable et génétique qu' ON m'a dit avoir produite par peur que mon voyage soit voué à l'échec. Un savant en scaphandre rouge m'avait  promis qu'il étiquetterait mon clône du nom de Vincent, ce qui pourtant était interdit par la Loi. Mais ILS m'avaient choisi pour le voyage ultime comme on pique à mort un condamné lui aussi en pyjama rouge.
Alors Vincent, toi mon ombre chérie, écoute moi bien... Cependant , si jamais ce message te parvient il aura mis aussi longtemps qu'il  en fallut pour fabriquer la vie terrestre, 9 je ne sais  plus de quelle unité humaine,
mais ta réponse, mon petit clone, ne me reviendra jamais; et JAMAIS est le seul objet que j'ai vu aussi bien qu'un mirage en plein désert, là où Hubble 36 a perdu la vie. "

Puis, les parasites crachouillards autant que les primitifs de la télé-communication ont pollué les ondes numériques que le monde croyait si pures.
La voix synthétique d'un robot se mit à prendre le relai:   "OUT OF ORDER"
Vaurien Vincent, les yeux noyés de larmes, replia son petit doigt comme on remet un mouchoir dans sa poche.

Encore une fois, mais peut-être une dernière fois, les journées se mirent à passer aussi rapidement que des lustres.

-
Vaurien Vincent  avait maintenant (mais l'imparfait n'a plus aucun sens) 223 ans, âge limite accordé par Le Nouvel Ordre Nouveau, auquel chaque humanoïde (y compris les clones de l'ancienne génération) pouvait espérer vivre.

Mais en cette ultime année le ciel avait affiché de gigantesques philactères digitaux qui masquaient la lumière des étoiles.

"Enfin, de la FIN, le réponse va nous parvenir"
et ce par la bonté du SEUL ET UNIQUE BREUVAGE ALCOOLISé AUTORISé sur la terre (toutes marques confondues) . Tout paradis artificiel est réservé aux ultra-riches, les autres n'ont plus qu'à se fabriquer leur mixture miracle, ce qui cause un nombre  de décès très élevé qui permet au reste de la population du globe de survivre.

Le double de Vincent Le Vaurien s'était endormi comme on guillotine une tête, le petit doigt replié sur lui-même et le poing serré comme celui d'un nouveau né. O triste était son âme, à l'idée que son corps ne vibrerait plus jamais d'aucun appel venu du ciel.

Dans son passé paradoxal, l' autre Vincent Le Vaurien, attendait en vain une réponse innommable.

Et tout ceci en pure perte comme le confirmait le slogan du nouveau Kapital négatif.

L' Entité Absente ne se laisserait pas prendre aussi facilement aux mailles de la nasse tressée pour lui par les seuls vivants de l' Univers.
Rien, ni personne n'en saurait jamais rien.
Ni début, ni fin; simplement une histoire sans queue ni tête comme Caroll osait en conter aux enfants. La quête de l'origine n'était qu'une "Chasse au Snark", une effroyable mauvaise plaisanterie.
- Quand enfin Vaurien Vincent se réveilla (sans doute pour son dernier jour autorisé) il lui sembla que le soleil était plus noir qu'à l'habitude. Certes les taches avaient envahi progressivement tout le disque selon le programme des scientifiques autorisés, mais une obscure mouvance maritime semblait ajouter du noir à l'obscur.
L'auriculaire était enfoncé dans l'oreille du clone mais aucun mauvais parasite ne le faisait vibrer.
RIEN, silence radio comme disaient les scientifiques préhistoriques. Un de ces silences qui effraie encore les humanoïdes d'aujourd'hui.
Vincent retira le doigt de son oreille et le replia péniblement comme ses deux siècles de vie l'y autorisaient.
Il se lova tout aussi péniblement sur son vieux coussin d'air en espérant dormir une dernière fois.
Il eut un songe d'enfant sage et vit en rêve une image aussi simple que la table mise pour y manger un nouveau matin.

 
A 00h 09 il fut réveillé par une étrange douleur tant son petit doigt vibrait et faisait souffrir tous les osselets de sa très vieille main pleine de taches d'ultra-sénilité. Désespérément il pencha son oreille vers son doigt prêt à tomber en poussière et crut entendre à nouveau la voix fractale de sa réplique Vincent Le Vaurien, le dernier espoir de la planète Terre. Mais au "W.H.Y.?" envoyé sous forme binaire il y a des lustres, aucune réponse sensée ne lui parvenait. La distance qui séparait son ancêtre, envoyé dans la quatrième dimension, de la folie, était aussi fine mais aussi divine que celle qui le séparait lui, de la disparition.
A quelques minutes de sa mort il essayait encore de se convaincre que Dieu n'était que son aptitude à pouvoir devenir fou. Mais sans drogue cérébrale il ne devrait plus cet exploit qu'à sa volonté - volonté que la vie avait laminé chaque jour -
Plus que quelques dizaines de tours d'horloge à persistence rétinienne pour tomber fou: en cas contraire le Néant allait l'aspirer et le broyer aussi facilement qu' un évier vient à bout des épluchures d'orange. La voix venue d'au-delà les plus lointaines novae devenait de plus en plus folle avec une facilité divine:
"Il faudrait pouvoir faire marche arrière comme pour danser le tango..." et d'autres antiquités musicales oubliées de presque tout le monde.
Depuis les nano-moteurs à dépasser la vitesse de la lumière on voyageait dans l'avenir comme un poisson dans son aquadelirium, mais pas encore dans le passé à jamais perdu même pour les savants motivés par les Grandes Puissances. La voix de son petit doigt n'était que celle d'un fantôme tournoyant sans fin dans les espaces infinis. Vincent Le Vaurien avait été automatiquement expulsé de son Vaisseau Amiral comme un foetus de sa matrice. Ce n'était que l'espace-temps devenu concret qui faisait vibrer les os du clone. Aucun lapin ne sortirait plus jamais du chapeau; Vaurien le double le pressentait à quelques tours de la grande aiguille enduite de poison florentin.

Et pourtant, alors que la surdité programmée par les généticiens vendus et inconséquents, emplissait son oreille de silence immense, la voix lointaine avait cessé de chanter n'importe quoi et apportait la réponse qui aurait fait le malheur du clone s'il avait pu l'entendre: "Nothing... my last word is no thing"

Maintenant que tout le monde savait, les SLOGANS POLITICO-PUBLICITAIRES sur le Jour J de la Réponse, allaient s'éteindre et rendre les étoiles à nouveau visibles. Seule une multinationale plus maligne que les autres avait mis en place un nouveau rayon laser qui envoyait en lettres vertes NOTHING IS MY WORK FOR YOU (suivi du blason de la firme Indienne)


Vaurien Vincent pensait à Vincent Le Vaurien, seul au milieu de rien, oublié au fond de l'univers et condamné à tourner sans fin autour d'un centre qui n'existait pas, en essayant encore et toujours de bouger son handyphone dont toutes les articulations étaient rouillées. Car il fallait tout de même appeler le Grand Centre Vital pour interrompre sa propre fonction vitale, sans souffrance. Le protocole automatique était (disait-on) très douloureux car beaucoup moins onéreux. Son incapacité à devenir fou lui faisait perdre la foi et pleurer comme un malade triste de perdre le monde.

Il réussit à manger un morceau de pain, à boire un verre d'eau, à se lover sur son coussin d'air et à enfiler son auriculaure tout tordu dans la prise du mur prévue à cet effet (en cas de panique). Si ses oreilles étaient mortes, son corps ou son esprit (mais au fond de son coeur il était persuadé qu'il n'avait qu'un réseau complexe de bio-récepteurs) percevrait peut-être une vieille friture de parasites du vaisseau désintégré.
 2 2 3 ans que cette absurde mascarade perdurait pour en arriver là.
De sa main gauche Vaurien réussit à atteindre le boîtier qui servait d'écrin aux lunettes qui lui feraient doucement perdre la vue (...)  Noir et silence seraient un bon début.
Soudain, à deux doigts de la terminaison du vieillissime Monsieur Vaurien , un rire interminable de fou sous influence médicamenteuse fit vibrer tous les os du corps malade, y compris ceux de sa boîte crânienne et de ses arcades sourcillières. "NOTHING! no thing! no thing! Nothing is my work! now!" - Enfin j'ai une nouvelle mission, si je ne reste pas là dans ce trou perdu pour maintenir ce Néant comme on entretient un vieux manège de chevaux de bois, pour le coup ils auront raison, l'univers et tout le tremblement va se rétracter pour devenir aussi petit qu'une tête d'épingle! On aura l'air de quoi là-dedans... "DE QUOI???? " je vous le demande; maintenant c'est moi qui pose la question. Vous n'êtes tous que des vieux singes débiles! Mes chères créatures terrestres, car à part vous y'a pas grand monde vous savez! je vous déteste tous mais je vous donne encore une chance si vous vous décidez à reconstituer mon mirifique Vaisseau et à me synthétiser de la bouffe correcte et une Nouvelle Alice dont je puisse me faire un Autre et pas une poupée gonflable! ALLEZ au boulot les mécanos de la génétique!

Vaurien dut en comprendre quelques mots car on ne s'en va pas en rigolant. "Les cons, sont vraiment pas foutus de continuer sans l'ombre d'un Dieu et l'autre qui s'y croit!!!" Après quoi il chaussa ses lunettes et se laissa aspirer par le fond comme un enfant sur un toboggan géant. Mais la descente ne fut pas aussi vertigineuse et jouissive que pour un petit enfant et ressemblait plutôt à une spirale montante comme celles de tornades. Le corps de Vaurien malade des siècles, tournait sur lui-même en lévitation sur le coussin d'air, il tournait et tournait de plus en plus lentement selon que le fluide vital s'échappait par la peau devenue si diaphane qu'on voyait tous les os, y compris ceux de l'auriculaire-téléphone qui ne cessaient de trembler.


La porte de la chambre s'ouvrit pour laisser le passage à un couple en combinaison rouge et casque de scaphandrier.
Ils déposèrent leur lourde valise métallique sur la table basse, s'agenouillèrent devant le corps qui venait de s'immobiliser. Le centre de Gouvernance Génétique les avait prévenus à temps et ils n'avaient plus qu'à récupérer tous les messages téléphoniques conservés dans la puce du coude. Restait à comprendre ce qui s'était passé dans le Vaisseau Amiral.
Plus aucun message ne parvenait au Centre. Les consoles étaient aussi muettes que les espaces infinis. Certes, ce n'était pas l'absence de réponse qui posait problème au plus onéreux de tous les programmes des lointains descendants de lanceurs de fusées belligérantes (no sens auquel l'humanité s'était faite depuis des millénaires) mais la soudaine interruption. Rien de plus terrible que le mutisme après le verbiage. Pourquoi ce flot d'informations primordiales pour aboutir au grand silence?
"nothing" 
valait mieux que rien mais ce n'était pas grand chose face à l'interminable évolution alors qu'en même temps cela ne pouvait satisfaire aucun astrophysicien les yeux mutilés à force d'examiner les données des écrans des hyper-télescopes et des grandes oreilles de la Chine. Résultat décevant, en oubliant que la déception faisait partie du Théorème.
Le néo-dieu n'avait besoin d'aucune création ni d'aucune créature car il ne savait pas ce qu'il fabriquait.

Et pendant ce temps, le temps passait, enfin, sans que l'espace ne soit affecté aucunement.


Dès lors les philosophes cessèrent de tergiverser sur le Néant qui ne présentait plus aucun intérêt sauf si l'on supposait comme les financiers du Centre qu'une nouvelle expédition d'un Nehemo désigné d'office donnerait des résultats plus optimistes pour le Kapital qui fournirait un nouveau budget à la hauteur des espérances désespérées. En théorie le programme du clone avait été lancé pour prendre le relai si tant est que la poursuite soit possible. Les nouvelles prospectives devraient imposer une vie de trois siècles pour préparer le nouveau voyageur en partance d'un Nautilus mieux équipé en compagnons androïdes indispensables pour un trajet sans fin, à l'aune de la terre. La démesure était de mise dans les nano-technologies mais pas dans les peta-octets qui n'avaient produit que des A.I capables de remettre chaque A.I de la génération précédente en cause et d'en accoucher de nouvelles encore plus contestataires. Le vieux docteur Frankenstein avait, il était une fois, bien compris la leçon, mais sa descendance princière n'en avait tenu aucun compte. Les Humanoïdes de la génération d' Alice devraient être remplacés par d'autres robots décérébrés en secret dans les plus profonds laboratoires militarisés, aucune institution policière n'ayant assez de moyens pour superviser la maintenance de semblables créatures.
On avait fait mine d'oublier Vincent à l'approche de la minuscule étoile d' Hubble.
Et pourtant, quelque minorité d'astrophysiciens, jadis célèbres, se transmettaient les uns aux autres un terrible secret dont aucune Intelligence Naturelle ne résoudrait jamais l'équation (comme cela pour rien, pour la beauté de la Geste philosophique).
Alice Neuf fut produite dans les usines Microsoft et fut un échec reconnu par ses concepteurs même, trop puissante en mémoire pour converser avec un humain condamné à perdre ses neurones au fil du temps, trop belle et  attirante.
Deux ans plus tard, une jeune firme de la Silicone Vallée lança le nouveau Christophe Dix qui avait tout pour plaire et satisfaire au dernier programme du dernier voyage dont le but avoué était de retrouver le sillage de Vincent oublié des hommes. La cosmonaute Alpha du Centaure, la plus apte au Nouveau voyage était à l'inverse de Vincent folle d'espoir, mais véritablement folle et c'est là que le bât blessait. Nobody is perfect titra Chanel Ten. L'enjeu était si énorme qu'il finit de ruiner l'Afrique.
Les pays les plus riches cumulèrent leurs budgets de la recherche hyper-spatiale pour construire le nouveau Vaisseau amiral baptisé: Nautilus Oméga.
Le navire était plus petit que son parent car les grandes habtations closes généraient l'ennui. Plus question d'errer pendant des heures tout le long des coursives dans l'espoir de voir apparaître une étoile différente derrière un hublot. Des alvéoles multiples aux lumières UV avaient été concues pour que la Reine Alpha puisse divaguer à sa guise en rêvant au Prince.

Le lancement se passa dans la plus stricte intimité scientifique. Ce n'était pas le moment  de faire une publicité tapageuse alors que le grand Kapital était fortement discrédité.
La petite Alpha de quinze ans seulement (mais sa mémoire avait été gonflée au maximum de milliers de peta-octets en plus) mais d'une maturité douteuse pour certains dissidents, se tenait assise, bouclée dans un fauteuil vermeil et profond, au côté de Christophe, les yeux prêts à tout enregistrer, qui fit hausser les épaules à sa compagne. La Terre qui s'éloignait à la vitesse d'une fusée n'était pas une grosse perte pour la reine sans parents ni amis véritables. Les océans géants et les continents étendus devenus des têtes d'épingles à rendre fous les deux infinis. Les psychiatres avaient choisi Alpha la folle car ils avaient acquis l'intime conviction qu'elle serait toujours motivée par la quête d'une origine; et après tout, il n'y avait que cela qui comptait au sens le plus sale du mot.

Les deux premières dizaines d'années furent les plus simples à passer sans problème aucun, autre que la maintenance de Christophe qui affichait quelques dérèglements quand il tentait des approches (pré-enregistrées) vers Alpha devenue plus jolie que n'avait prévu le Centre.


PPlus le temps passe rapidement dans le vaisseau plus le temps passait lentement sur la planète de départ jusqu'à faire machine arrière. Christophe à chaque nouvelle lumière d'étoile qui les faisait sortir de l'ombre s'écriait: "En avant, toutes!" ce qui avait le don d'exaspérer la chère Alpha.
Pourtant, au moment où le cancer de la solitude allait commencer à ronger le cerveau du Capitaine, les bons mots seraient bien venus. Pour l'heure les relevés informatiques étaient de plus en plus nombreux mais les communications avec le Centre de plus en plus houleuses et parasitées. Les limites de la vitesse de la lumière faisaient craquer la coque du Vaisseau et malgré les boucliers, des météores effleuraient parfois le Nautilus qui se mettait à faire des pirouettes imprévisibles.

MAIS, une nuit artificielle, où Alpha avait délibérément coupé l'alimentation électrique de son alvéole, une envie (que les trafiquants généticologues n'avaient pas réussi à extirper) vint effleurer le coeur de l'encore jeune Alpha: et si elle pouvait engendrer un enfant avec la participation de Christophe? Certes, il lui faudrait intercepter les ordres du Centre, mais vu les coupures intempestives, cette idée folle lui paraissait envisageable. Aucune infrastructure n'avait été conçue à cet effet mais Christophe serait bien capable de l'assister avec un linge et de l'eau chaude. Là où elle en était rendue de son voyage, rien ni personne ne pourrait l'arrêter dans son projet: il lui fallait tout bonnement réfléchir à se construire un environnement favorable. Seul le manque de banque de sperme lui faisait défaut et ce n'était pas là la moindre faille dans son système.
La parténogénèse nano-moléculaire devint dès lors son obsession quotidienne. Elle y travaillerait sans relâche, ce qui serait un dérivatif à la maladie de l'ennui qu'elle sentait poindre dans son âme. Christophe l'avait toujours soutenue même dans les situations les plus intenables, de celles où la folie n'est d'aucun secours.
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Le bloc opératoire était fin prêt, mais pas le ventre d'Alpha la folle ni l'âme de Christophe Dix car aucun des deux n'avait de modèle pour un rêve qui soit à la hauteur de l'événement. La femme humaine était allongée nue sur la table verte et le nouvel androïde vêtu pour la circonstance d'une blouse rouge sang faisait rouler le scialytique comme un grand chirurgien et plaçait la double aiguille au centre de la matrice. L'insémination devrait être parfaite. La seule étrangeté de la scène était dans la musique que Christophe laissait sortir de sa poitrine en titane: "La nuit transfigurée" - sans tristesse, sans joie mais avec une infinie gravité - pour un peu la folle se serait mise à pleurer. Elle s'endormit en douceur juste avant que les électrodes effleurent la peau et la parteno-conception commence.
Quant le robot rouge enleva son costume et entama le protocole de fermeture, Alpha se leva comme si de rien n'était, renfila sa combinaison de capitaine de Vaisseau amiral et se laissa couler sur la poitrine de Christophe à la peau douce, de Christophe son premier et dernier amant. 
Echec et mat, pensa-t-elle en son âme intérieure, en le dictant très fort à l'oreille du tableau de bord holographique dédié au Centre.
                                                                                  Plus le ventre de la future mère enflait, plus le temps ralentissait son flux à l'intérieur du Nautilus, alors qu'à l'extérieur (si l'on ose parler ainsi) les premiers cubes défilaient derrière les hublots. L'androïde qui ne devait rien perdre des yeux n'avait pas décidé d'en informer la folle car il redoutait que cela nuise à l'accouchement du garçon (cela aussi: il ne voulait pas lui dire) .Il se doutait bien qu'elle voudrait le baptiser Centaure et ce nom ne lui convenait pas du tout. Un torse d'homme et un corps de robot, la belle et la bête, "L'homme à tête de chien" et autres fariboles humaines pour faire les intéressants. 



                                                        Centaure courait dans les coursives en titubant comme un ivrogne et le temps s'était remis à passer à toute vitesse. Sans plus d'espoir, Alpha la folle fit coulisser le clavier mécanique de secours pour émettre un message au Centre par les tubes des nano-ascenseurs: "Je me fiche de vos questions d'origine suprême. PS: avec Christophe et le petit Centaure nous formons une trinité; n'est-ce pas à se tordre de rire? - A toute fin utile: les cubes augmentent en nombre et les soleils disparaissent. Les galaxies! c'est F I N I ! /  - Message terminé - "
Seul un parasite assourdissant qui eut pour seul intérêt de faire pleurer l'enfant, leur revint à la figure trois jours plus tard. Le moins qu'on puisse dire c'est que la mission était mal partie. Sans compter que le Centre pouvait décider de pulvériser le vaisseau, suite à la mauvaise nouvelle envoyée par Alpha.
    La nuit dernière fut décisive car un cube s'est plus approché du hublot panoramique qu'à l'habitude, puis il s'est positionné en géo-stationnaire comme pour pour épier le mystérieux équipage. La seconde d'après, sous le coup d'une invisible baguette magique, il fut anéanti - peut-être sacrifié -

Alpha du Centaure était encore "relativement" jeune (selon les calculs du Centre) mais étrangement le petit s'était arrêté de grandir, juste avant de savoir parler. C'était là, la seule parade que les généticologues avaient trouvé pour éviter que l'intrus n'entrave l'expérience. L'enfant tituberait toujours en parcourant les coursives à l'image d'un vieillard fatigué.

Christophe ne bougeait pratiquement plus (sauf pour se recharger en énergie) et restait sanglé sur son royal  fauteuil  disposé devant le hublot panoramique, car il avait été conçu pour rêver de lignes droites et répondre aux questions d'une géométrie non-aristotélicienne. Centaure avait passé l'âge de jouer aux cubes, alors, après avoir tourné et tourné le long des coursives de tous les étages en apesanteur, il s'asseyait devant un petit hublot ménagé au ras du plancher et regardait sans y comprendre rien, le ballet des cubes dont une face seulement semblait éclairée par un soleil lointain, si loin qu'on aurait pu le confondre avec une lune. Ni sa mère, ni lui, ne connaissait le sens caché de Centaure. Pourtant, il y avait dans l'air comme une vague fragrance d'ondes radio qui pouvait faire croire à un mystérieux et lointain émetteur, une source sans lieu ni temps.
Alpha la folle s'était mise à travailler sur un programme susceptible d'humaniser à loisir son cher et tendre Christophe. Elle travailla sans cesser pendant des lunes et des lunes, penchée sur son écran 3D  motivée qu'elle était pour leur survie psychique, sans trop savoir elle-même ce qu'était la raison. Centaure reprendrait peut-être sa croissance avant la fin du voyage (car elle avait bien du mal à imaginer une quête sans objet). Mais ce dont personne ne s'était rendu compte (sauf l'androïde ami qui n'osait pas lui dire mais prit soin de mettre en panne les caméras des salles de bains - les miroirs n'existaient plus dans les pays riches - trop redoutable exactitude du reflet) était que la jeune Alpha avait terriblement vieilli. Rien de comparable avec les 223 ans accordés jadis mais quelques rides profondes comme les canaux de Mars avaient brisé son front lisse et ses deux prunelles brunes avaient perdu de leur brillance.
Quand sa patience informatique fut achevée elle songea à se donner un plaisir divin dans une alcove équipée de projecteurs kino 3D.2 avec gants maillés et casque à aiguilles cérébrales. Les fines aiguilles en or fin s'enfonçaient légèrement dans les zones du cerveau concernées et les sens tactile et olfactif entraient en action. Seul un mini-électro-cardiogramme était nécessaire pour initialiser la console kinomatographique. Christophe n'en saurait rien (aucun câblage n'avait été prévu pour lui) et le Centre captait maintenant si peu d'informations qu'il ne tirait plus aucun bilan de rien. La Mission Nautilus Oméga relevait du hasard intégral.
Quand Alpha ressortit tremblante de l' Alvéole 4D, elle croisa Centaure le Jeune qui chevauchait un bolide imaginaire. Les cubes avaient disparu des hublots et le monde ne l'intéressait plus guère.

                                    Comme le Centre l'avait prévu de la première mission, la vie devenait à l'intérieur du vaisseau amiral, tout bonnement impossible ... et pourtant, elle durait.

               Comme au Siglo de Oro les marins criaient: "terre! terre!", tous les panneaux acoustiques des coursives se mirent à hurler: "étoiel! étoile!" car en effet, à travers le hublot panoramique les trois explorateurs impossibles se vissèrent chacun dans son fauteuil et contemplèrent le soleil des reviens-t'en.

                   Ce n'est que 20 minutes plus tard que le robot confirma: "ce n'est pas un soleil, c'est une planète", une planète pas plus grosse que celle d'origine qui s'était mise en orbite autour d'un soleil artificiel mais doué d'un coeur énergétique nucléaire. En allumant l'écran radar périscopique, la Capitaine crut deviner des reflets bleutés sur le mystérieux satellite. "Des océans, oui c'est ça, des océans et quelques minuscules continents" comme après un déluge et une fonte des glaciers polaires dont elle avait cru deviner la trace. Son âme entière était envahie de contentement et de mélancolie incurable. Elle se jeta au cou de Christophe (qui de par son nouveau programme pouvait aller jusqu'aux larmes) et prit le vieux jeune Centaure contre son sein.

"Il n'y a rien, NO THING, you remember my dear Chris! Nothing! - Centaure, un mauvais jeu de mot de Généticologue!- Rien ne venait d' Alpha du Centaure, une mauvaise suite d'ondes radios périodiques et ordonnées pour RIEN, par pur hasard et complètement dépourvue de nécessité!" Mêmes les cubes étaient devenus un souvenir douteux: un mirage des profondeurs, forcément que des courbes avec des airs de lignes droites.

Le temps avait le dos voûté.
 
Quand on vole la vitesse de la Lumière comme un autre avait volé le Feu on s'auto-condamne à tourner en rond: c'était le seul message qu'elle essaierait d'écrire sur le clavier mécanique de secours de la console dédiée au Centre.

                     RETOUR A LA CASE DEPART

                      Pire encore car diachroniquement avec l'augmentation de la vitesse du vaisseau sidéral qui avait fini par dépasser la vitesse de la lumière, les 223 ans d'espérance de vie ne seraient rien comparés à la vitesse du temps de la planète-mère. Le soleil s'enflait démesurément pour devenir une étoile noire et absorber tous ses satellites. La terre et le Nautilus logeaient désormais les côtes de leur perte ou de leur Renaissance (mais sur ce point précis personne, je veux dire, aucun des trois n'en savait rien). La force d'attraction était devenue telle que le Nautilus descendait irrésistiblement sur la planète, devenue grosse, pour devoir se précipiter au fond des océans car telle était la F I N dont personne ne saurait RIEN.
Quand Alpha, Centaure et Christophe eurent la certitude de tout ceci, aucun d'eux ne vit plus l'utilité d'écrire un quelconque message sur l'antique clavier mécanique qui n'était plus relié à aucun ascenceur nano-moléculaire.





 Les jeux sont faits, RIEN NE VA PLUS /  la boule est lancée dans le barillet.
Time is  running sempiternellement.  autant que le quartz minéral mobile.

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