Pensées qui tuent

 

 

"On n'a jamais rien vu durer" encore un de ces proverbes terrifiques et infiniment tragiques.

"Je préfèrerais ne pas être né" encore une de ces arabesques d'intellectuel impossible qui croit fleurter avec le diable!

Juste à côté d'où j'écris, au vilain milieu d'un luxueux boulevard du centre ville, des fleurs fraîches sont tous les jours déposées au pied d'un arbre lui-même malade des gaz d'échappement des voitures, pour témoigner de la mort d'un écolier écrasé sur son vélo ou plus exactement, car je vis moi-même l'accident, la tête fracassée sur la bordure de trottoir aussi lourde et grave que le monument funéraire qui le recouvre depuis. Des fois, je vois des vieux se pencher en se faisant mal au dos pour voir la photo du p'tit gars clouée sur le tronc d'arbre.

Parfois, j'ai l'impression qu'il faudrait que je sois mort pour qu'on dise du bien du moi; et encore, il m'arrive d'en douter.

Sa mère a réveillé sa fille de dix ans, comme ma mère m'a secoué à 3h de la nuit pour me dire: "je crois que ton père est mort", pour lui crier "Viens voir dans la cave: ton père s'est pendu": de fait il se balançait son âme coincée entre la lanière de cuir et son cou écarlate.