CELSIUS 51 avis de

ou LA CARTE POSTALE (postée dans une boite à lettres à 51°C et mise à destination dans une boite de maison de vieux à 60°C )


Entre le 24 Juillet et le 24 Août 2003

L'oscillation perpétuelle n'est pas entre: "je veux mourir et je ne veux pas mourir, mais entre: je préférerais ne pas être né et, je ne veux pas être mort".

SIRIUS est l'étoile la plus brillante du ciel, celle qui est aussi la plus proche, seulement 9 années lumière, et celle qui apporte la canicule. Le goudron fond, plus personne n'ose traverser une place en plein soleil, même les chats ignifugés cherchent la chaleur moindre, ombre chaude pour les humains.

Et c'est à nouveau pour nous, les pays riches, la conscience que le soleil fournisseur de vie est lui aussi un Janus qui tue ... ailleurs, tout prêt; le Sahara n'est pas si loin. Quant à l'eau; elle tue et déferle au Sud de ce même Sahara. Nous, les riches français, nous déprimons si nous ne pouvons plus nous rafraîchir sous une douche froide. Le monde chancèle sans cesser. Le char du Pharaon en or massif était conçu pour voler sous le soleil de plomb de l'Egypte aussi bien que pour traverser les ténèbres glacières et les bandelettes des momies étaient un pansement contre la maladie du temps.

Partout sur les aires d'autoroutes des vacances, la télé interroge les automobilistes et tous répondent "C'est l'enfer": tu parles d'une récompense après onze mois de dur labeur! Ne reste plus qu'à penser aux pauvres qui meurent de chaleur dans les Favelas et partout ailleurs quand la douceur nous frappe. Le ciel bleu sans étoile, c'est la Bouche d'ombre ou la Bouche de feu? La fournaise du boulanger comme la fournaise des aciéries brûle le visage des ouvriers tandis que les garçons bouchers ont toujours les mains gercées.

je sais! après Gombrowicz, plus rien n'est à écrire sur le sujet, et pourtant, il me revient en mémoire des images à n'en plus finir,

de la bouche du Clown, la plus ancienne que je connaisse

à celle du Métro

en passant par celle lippue du boucher qui m'arracha les amigdales quand j'avais sept ans ...

la bouche de ma première amoureuse,

ma bouche et le goût de sang chez le dentiste quand j'avais dix ans et que mon père ne savait que faire pour me consoler,

la bouche de la poule dont mon grand-père coupait la langue pour la tuer,

la bouche de la femme nue, écartelée sur le ventre, et qu'un bourreau ouvre de force pour lui en couper la langue, dans le film de Pasolini: LA REPUBLIQUE DE SALO,

La bouche à émettre les phonèmes, photographiée sous toutes les coutures que j'étudiais quand j'enseignais la linguistique,

la bouche dont la femme se fait enlever toutes les dents dans le terrible roman de Léon Bloy: "Le Désespéré",

la bouche ouverte à fendre l'âme d'une vieille femme agonisante,

les bouches finement ciselées des portraits de Renoir

... la bouche du monde et du volcan dans lequel plongent les explorateurs du Voyage au centre la terre...

 - LA BALANCE EXISTENTIALISTE
 Plus je m'éloigne de ma coquille et de mon port d'attache, plus je me demande comment celui-ci continue à exister; non que je me sache indispensable aux choses pour avoir une réalité sans moi, mais simplement parce que je suis atteint d'une maladie que j'appelle le complexe de Roquentin. Pourtant, la moindre caméra vidéo et la plus petite webcam me prouverait aisément que le chat se promène dans la maison même si JE n'y EST pas, même si je n'existe pas avec lui, même si les meubles, les pierres et moi, ne co-existons pas. Mais une certaine folie me pousse toujours, tout iconoclaste que je suis, à mettre en doute une image qui n'est et ne sera jamais qu'une re-présentation de la réalité. Et ce n'est pas une transmission holographique en direct qui me ferait changer d'avis.

A l'inverse, plus je m'approche de ce lieu qui est la destination plus je me mets à croire à la possibilité de sa "réalité" et ce même si quelqu'un m'interdisait de toucher à la moinde chose. Il est évident que privé de la vision et de l'audition de ces mêmes objets il me faudrait alors une main témoin pour effacer toute espèce de doute.

Tout le monde me dit que je n'aime pas partir, ni même repartir d'où je suis et je sais trop que c'est pour la bonne et simple raison qu'il me semble toujours inconceptualisable de pouvoir re-venir d'ailleurs. C'est comme si mon corps se déplaçait sans tête comme celui d'un canard au cou décapité et giclant de sang, dans tous les sens à l'avaugle et sans contrôle aucun. Ne me disait-on pas déjà quand j'étais enfant: "tu as toujours la tête ailleurs!"..."un jour: tu oublieras ta tête".

Et ma tête je l'ai précisément oubliée dans les images qui passées par l'art réussissent parfois à être une représentation de la transcendance et ce des images saintes ou métaphysiques, comme certains tableaux (Le cri...), certains plans de films (Bergman...) aux images les plus obscènes (dans l'horreur ou la pornographie). Les images fortes (pour ne pas dire limites) désignent (tout comme certaines musiques) autre chose que ce qu'elles donnent à voir (ou donnent à entendre).

Parfois j'ai un HAUT LE CŒUR quand je me demande si le canard sans tête est aussi un animal sans sexe ou plus exactement un mâle qui verrait son phallus posé à côté comme les statues antiques aux membres manquants et elles aussi, à la tête ailleurs.

- Encore un de ces stupides proverbes qui me revient à la tête: "Tu as de la chance dans ton malheur"... comment peut-on avoir de la chance à l'intérieur de l'Ensemble appelé, malheur? - le malheur est UN tout autant que la pseudo bonheur. Dirait-on à quelqu'un: "Tu n'as pas eu de chance dans ton bonheur"? Le malheur est le Terrible, l'Infernal, le Définitif, le Mal, la Souffrance, la Douleur... la mauvaise heure...et puis c'est tout.

 - I'am just a man

 Enfant de même pas encore dix ans, j'avais ricané à un film de guerre sous les nazis et l'on m'avait fait remarquer après qu'il n'y avait pas de quoi rire: "Tu sais les nazis dans les camps de la mort, ils torturaient les gens, ils brûlaient les bouts de seins des femmes et ils coupaient à la hache la petite chose (sic) des hommes" - "c'est quoi, dis, la petite chose?" avais-je demandé, redoutant à moitié la réponse. Bien avant de voir pour la première fois de ma vie un godmichet, je compris pour toujours que les queues des hommes (drôle de confusion lexicale!) étaient une "chose" qu'on pouvait poser en avant (éthymologiquement obscène). Adolescent je ne pouvais m'empêcher d'envier les filles qui avaient l'objet du désir à l'intérieur comme si elles taient un tout parfait dont je me rendais compte par surcroît que je venais (nous les hommes comme les femmes elles-mêmes). Je devins alors pour touours un sous-marin sans périscope.

Ce qui acheva ma perplexité fut quand je me mis à douter que mon esprit tout entier puisse avoir son port d'attache dans ma tête. Ma tête sans mon corps n'était pas grand chose, en tout cas elle avait perdu son âme, sauf dans certains romans gothiques, dans certains film d'épouvante vers lesquels j'allais comme un enfant auquel on a volé un jouet. Mes superman à moi allaient s'appeler Docteur Frankenstein, Comte Dracula dont la passion était de vaincre la mort non par un tour de magie (comme le corps du christ disparu de la grotte) mais par des bricolages comme en tentent aujourd'hui les savants fous du clônage.

Alors, je me mis à chercher une femme avec qui m'embarquer sur l'océan de mes phantasmes, plonger dans les abysses, là où vivent les poulpes géants. Drôle de gamin que celui qui propose à sa copine (qui accepte avec plaisir) d'aller voir aux bonnes vieilles séances de minuit un film intitulé "Une guillotine pour deux", par ailleurs un des plus mauvais série B qui soit! L 'exercice de la philosophie me semblait relever de la même tentative de même que la vie d'artiste, moi qui avais connu le temps des trapézistes sans filet: "Tu vois, s'ils tombent, ils se tuent" et la foule en silence frémissait. Mon père me serrait fort dans ses bras, lui qui était Funambule à haut risque sans le savoir. Passé douze ans et franchi l'étape de l'expérience ultime, la mort était devenue mon métier et à ceux qui me prétendaient qu'elle faisait partie de la vie, je riais au nez. Tout jeune déjà, perdu par les récits des "anciens", je croyais que les camps de la mort c'était les cimetières. Petit à petit mais à vitesse supersonique par rapport à mes camarades car avec dix ans d'avance je comprnais le sens profond du "Dernier des Justes", j'avais déjà vu "Nuit et Brouillard" plusieurs fois et mon granpère boulanger m'avait expliqué que les crématoires c'était comme les fours à pain, sauf qu'on y enfilait dans la fournaise ardente des corps nus d'hommes, de femmes et d'enfants qui parfois taient encore vivants. Mon sous-marin lesté à ce point aurait bien du mal dans ces conditions à refaire surface. Le cinéma fut donc mon "sauveur" et comme disait Pèpère le cinéaste quand j'avais le cafard et que mes larmes me pissaient sur les pieds:

- "T'en fais pas mon lapin, je vais installer l'écran dans le garage et après un bon Laurel et Hardy cela ira mieux"; et le fait est que ces deux là avec leurs gags à cent balles ils me faisaient pouffer de rire. Keaton m'ennuyait mais les deux autres qui n'avaient pas de chance, comme ce n'était pas permis, me faisaient marrer et que j'aurais bien aimé être le petit maigre car il avait toujours l'air d'avoir la HAINE.

Ma première émotion érotique, mis à part les jeux au docteur avec la cousine dans le tas de sable du jardin derrière les buissons, eut aussi pour espace: une salle de cinéma de quartier où l'on passait régulièrement des films érotiques soft à vocation pédagogique: et on aura beau dire c'était quand même mieux que les pornos gynécologiques et phalloscopiques qu'ont vu tous nos enfants de 13 ans (âge de Juliette). Le sexe est aussi anatomisé que les accouchements médicalisés.

Et si je disais que ma première respiration d'amour m'est venu en entendant le mouvement lent du concerto pour piano de Beethoven cela ferait rire grassement tous les ados boutonneux qui regardent les pubs aux femmes et aux hommes nus de la téloche pour pouvoir se masturber dans leurs lits. Même entre deux dessins animés de Ciné-kids, les enfants de quatre ans voient du cul et de la violence dans les bandes annonces.

Plus je voulais m'approcher de l'amour et des femmes, plus celui-ci s'éloignait de moi dans une lamentable énumération d'échecs dûs, d'après les psychologues à un manque de confiance en moi. Je voulais toucher leur âme avant de caresser leur corps, sans doute en pensant à ce corps du père que la mort m'avait pris. L'amour infini quà mes dix ans je portais à mon père était entier et plus fort que jamais mais sa chair était bouffée par les asticots et ses yeux si doux pour son fils étaient encavés. Tel Frankenstein il me fallait refabriquer un corps palpable à partir de sentiments "crédibles" pour mon petit cerveau de jeune homme. Mais après le chavirement du monde tout n'était plus qu'un gigantesque chantier qu'un puzzle emporté par le vent dont il me fallait reconstruire l'image pièce par pièce. C'est le cas de le dire, c'était toute la vie qui devenait un "work in progress". J' avais l'impression que les autres avaient une vie mise au propre et moi d'être dans un éternel brouillon. Il y a précisément un Laurel et Hardy où l'un des deux meurt et où l'on voit le fantôme de son âme s'envoler au ciel. Puis après on retrouve un cheval dans un pré et celui-ci se met à interpeler son ami. "Tu vois c'est lui, il est revenu sous la forme d'un cheval"... et pendant quelque temps cette idée a failli me consoler mais je la trouvais quand-même un peu stupide. Vingt ans plus tard je rencontrais une femme qui y croyait vraiment à la métempsychose et j'avais beau trouver cela enfantin j'enviais le côté rassurant de la démarche, à condition que l'âme se cache dans quelqu'un et pas dans un pauvre animal. Ainsi autour de mes quinze ans il m'arrivait de laisser tomber une larme en me disant que j'étais peut-être moi-même devenu mon père et que celui-ci m'accompagnerait toute ma vie comme le perroquet sur l'épaule de Robinson. Et plus le poids de son âme en moi était grave plus je me sentais le corps léger.

Plus je vieillis, plus je focalise sur les images, plus ma névrose cinématographique a tendance à se transformer en obscession ou en psychose. J'ai cette nuit rêvé que (jeune) je passais à différents carrefours de Paris sur les lieux de tournage d'un film de "gangsters" , que je me promenais sur un scooter qui était aussi une steady-cam, que je faisais de la figuration et que sans m'en rendre compte je me faisais tuer par des balles perdues, et que je rentrais dans une grande salle de cinéma et que j'y voyais en avant-avant-première le film qu'on était en train de tourner, et qu'à la fin de la séance on me proposait deux fauteuils clubs rouges vissés sur des gros tubes d'acier noir pour pouvoir en faire des balcons de home-cinéma. Ainsi donc était réunis dans ce rêve tout le bric à brac de mon fétichisme: l'absence, l'image, la caméra, la mort, l'éternité, la salle obscure, les fauteuils-cocons et moi devenu acteur de ma vie jusqu'à en mourir transpercé d'une balle et voir mon sang ruisseler dans le caniveau.

 - MEURTRE AU SOLEIL

Au tabac-journaux un couple de vacanciers sous le soleil retenait par la main une petite fille de huit ans à peine qui voulait entrer voir la gondole de jouets de plage car il était en arrêt devant les gros titre d'un canard local: UNE STAR DU CINOCHE ETAIT DEPUIS 48 HEURES ENTRE LA VIE ET LA MORT. La mère qui avait quitté la main de la fillette interrogea son homme et lui répéta "Tu as lu, elle est entre la vie et la mort". La fillette justement revenait dehors avec un petit bateau jaune et rouge et interrogea ses parents (les enfants ont des oreilles de chiens)

- "c'est où? entre la vie et la mort?"

- "c'est pas pour les enfants, vas choisir autre chose"

Et moi? que lui aurais-je répondu à Petit Prince s'il m'avait posé une telle énigme?

-"c'est comme dans le désert quand on a vu un puits et qu'on rencontre le serpent et qu'on se demande à quoi sert son venin?"

-"c'est comme la nuit quand tu te réveilles et que tu te rendors et que tu te réveilles et que tu te rendors et que tu te réveilles et que...

-"c'est comme ton chat quand il dort et que c'est pas la nuit et qu'il dort toute la journée parce que c'est la vie pour les chats de dormir quand tout s'agite autour d'eux. Quand c'est la nuit ils se lèvent et vont chasser les oiseaux quand tous les enfants dorment: c'est ton monde à l'envers."

Alors qu'en moi-même je pensais que je lui aurais peut-être simplement dit "Chut, faut pas réveiller brusquement les princesses endormies".

HUIT JOURS APRES -
Des cimes de l'inconscience elle a plongé dans la mort défintitive.

Son corps qui était son "outil de travail", on va le découper comme un poulet de haut en bas pour interroger les entrailles et examiner les contusions à la loupe. Après on placera ce qui fut la "beauté" dans un frigo, on enfermera les morceaux reconstitués dans une boite à tout jamais et on invitera les parents à pleurer sur la dépouille de leur vieille enfant-fille. Etranges coutumes d'occidentaux décadents.

DEUX JOURS PLUS TARD -

Ce sont les obsèques au Père La Chaisie; Les acteurs ne peuvent jamais s'empêcher de jouer la comédie: on voit même le père à la télévision (lui aussi acteur célèbre) déclamer le panégyrique de sa fille puis s'effondrer et pleurer sans comédie. Un micro-trottoir nous propose son fan-club qui nous parle de paix éternelle et tous les lieux-communs possibles et imaginables du genre: "j'ai l'impression de faire un cauchemanr debout"; pourtant s'il y a bien des couchés et des assis ce sont les cadavres! On a même eu droit à un: "je ne peux pas y croire", pourtant s'il y a bien une chose certaine dans la vie c'est celle-là!

Pauvre père, pauvre mère, pauvres fans, pauvre humanité qui ont toujours l'air SURPRIS par la Certaine Attendue.

NB: le cercueil était blanc, comme ceux des enfants et les suiveurs du corbillard tous dans des tenues claires, niant ainsi les ténèbres et approuvant la coutume japonaise. Le blanc c'est celui du linceul et des fleurs de cerisiers qui promettent la renaissance.

JOURS DE CANICULE

Nantes éternellement sous la pluie depuis la chanson de Barbara, est comme Alger la blanche écrasée sous la canicule et se met seulement à s'animer à l'heure espagnole. Sirius l'étoile de la constellation du Grand Chien se lève et se couche en même temps que le soleil aux mois de juillet et août. Les vieillards et les enfants risquent seuls les gros coups de chaleur car leur corps est plus démuni et leur âme plus volatile. Entre le froid qui pétrifie et la chaleur qui liquéfie reste les onces de degrés autour de vingt, les plus favorables à l'être humain et ce, dans un univers qui monte et descend beaucoup plus loin dans les températures extrêmes prouvant ainsi que l'émergence de notre vie tient dans un bien étroit équilibre entre le "cristal et la fumée". Dans un cas comme dans l'autre le corps se désagrège, des crématoires aux pôles les plus froids de notre planète native. Rimbe au Harrar a voulu se faire brûler au soleil et à l'or des fusils comme Frankenstein sous la glace. J'ai même entendu dire que la meilleure température pour la conservation des peintures dans les musées était très exactement à 22°c, ce qui explique l'affluence des estivants dans ces lieux. Les cathédrales et les grottes en profitent aussi tandis que les prolétaires jouissent naturellement de la fraîcheur qu'on leur offrent car les machines qu'ils utilisent succombent (les micro-prosesseurs, eux ont besoin d'être refroidis) à la canicule. Les PDG roulent à vitesse interdite dans leur grosses berlines climatisées alors que les commerciaux de base naviguent dans des machines surchauffées les bras au vent, sans la Rolex des autres. Et on me dit que la lutte des classes est dépassée!

Le pire c'est que la canicule que nous subissons sous nos climats tempérés est due à des pluies excessives dans le Sud Sahara. Sublime planète au désordre modéré qui de toute façon favorise la vie jusqu'à faire pousser des plantes en enfer. Ajoutons à cela qu'aucune des ces pluies excessives ou de ces chaleurs infernales ne pourra être tésaurisée étant donné que politiquement sous toutes les latitudes, seule compte la courte échéance économique. Le vent, le soleil, la force des marées ... valent autant que l'or noir. Alors que les politiques prospectives à longues échéances devraient permettre à chacun de vivre mieux et sereinement l' Ici-Maintenant, c'est tout l'inverse dans le monde entier.

La fièvre donne froid au mourant autant que les gerçures bûlent les pieds des montagnards et quoi qu'il en soit il faut ramener sur soi le drap qui nous protège de ce qui vient d'en Haut. Nous serons éternellement des bêtes qui fuient les éléments pour se terrer dans des trous en attendant que passe la Jour de colère.

- Les urgentistes dénoncent l'incapacité du gouvernement à prévoir les morts des vieillards et des enfants dues aux "coups de chaleurs" alors qu'à Antibes on nourrit les dauphins avec des mikos constitués de bâtons de glace avec des poissons à l'intérieur, pour le plaisir des touristes en vaine d'anthropomorphisme primaire.

- Je me souviens encore d'une maudite expression proverbiale de mon enfance: "Du feu de Dieu", comme on dit aujourd'hui "Ah! c'est mortel!" et pourquoi pas "Ah! le pied c'est la mort", et pourquoi pas le plaisir extrême (l'orgasme) c'est d'en mourir. La petite mort a grandi, elle s'est émancipée, a renversé toutes les barrières sans venir à bout d'aucune Limite. Mais la pire de toutes, était et restera toujours (et on me la criait VIVA VOCCE) "Tu tresses la corde pour te pendre" - j'ai appris depuis qu'il y avait une variante: "Tu creuses ta propre fosse", et je suis bien persuadé qu'en chaque langue on trouvera une "IDIOTIE" du même tonneau.

- La chaleur de la canicule, comme le froid qui fait trembler, rappelle étrangement les symptômes de l'angoisse et pourquoi pas: ceux de l'amour.

Entre les deux limites: CELSIUS 20, le degré auquel il ne se passe pas grand chose.

- Le dernier bilan est triste à pleurer et n'a été dénoncé qu'à la suite d'un ras le bol des urgentistes: plus de 10 000ou ou15.000 morts (on est pas à un millier près, surtout en temps de paix, de toute manière le nombre sera un Secret d'Etat) directement liées à la canicule et les pompes funèbres ont même obtenu une dérogation pour enterrer le jour du 15 août et désengorger les funérariums. Aux dernières nouvelles on ne descendra pas au-dessous de 10.000.Même que les maisons de vieux ont reçu l'ordre de ne pas publier la liste des décès de la nuit. L'IRONIE DU SORT, comme disait ma grand-mère, c'est que le fléau qui est tombé est celui d'un Bel été. Les commerçants, hôteliers et restaurateurs seront ravis d'une superbe saison qui a duré 4 mois, surtout les les boites de nuit avec la clime!

- L'histoire de l'humanité fut aussi une chronologie de la crémation: il y eut les dinosaures, et l' Exo-créateur se dit sans doute que d'aussi grand corps avec d'aussi petites cervelles étaien un coup manqué et (se ravisant à la denière seconde de notre calendrier cosmique) se dit que d'un coup d'un seul, en faisant tomber un météore (qui d'après nos astrophysiciens n'a aucune chance de revenir) mit le FEU D'ENFER dans notre berceau et commit le plus grand "Génocide" jamais produit. A la place, Monsieur Il créa ex-nihilo SUPER-EVE et SUPER-ADAM, bien faits de leur personne qui de toute façon feraient le même "miracle" que les "Canards de Vaucanson ante-diluviens: copuleraient pour le plus grand bien de l'Evolution humaine, véritable INSTALLATION D'ART CONTEMPORAIN qui, venue de rien, serait y retournerait un jour stellaire ou l'autre dans un Trou noir ou autre invention nihiliste.

Tout allait être bien dans le "meilleur des mondes POSSIBLES" car Monsieur IL n'avait pas d'idée meilleure.

- Sous le soleil de l' Egypte antique 2000 ans avant JC, si l'on tuait un chat aux yeux de braise (le Bousier vénéré poussait sa boule de merde comme un Soleil) on était passible de la peine de mort, et les chiens (momifiés commes les chats, les oiseux et les crocodiles) étaient aussi adorés.

AFRIQUE, continent natif, tu es devenu la réserve d'esclaves des pays riches. Tu manques de médicaments pour sauver tes petits et tu t'es fait une spécialité (sur ordre du Grand Capital) de la fabrication des médicaments génériques: Dieu est un Nazi ou IL n'est pas!

Je sais! on va me répliquer que ce sont les hommes qui font leur propre malheur et qu'ils sont maîtres de leur destin; NON: certains hommes, LES MAITRES, LES HAUTS FONCTIONNAIRES, LES NOUVEAUX BOURSIERS INFORMATISÉS détenteurs des capitaux, font eux seuls la misère des autres.

- Autre conception superstitieuse de la vie: "Parler (DIRE) le malheur, le fait arriver" - nous sommes bien dans l'ordre du magique et de la pensée sauvage. Donc il faut TAIRE, ou pire encore, faire taire les mauvaises choses (comme je l'écrivais plus haut c'est l'A.B.C de tout gouvernement (le secret d'Etat, le secret Défense) .

Exemple: on part en vacances sur la route et on ose évoquer le fait qu'on va peut-être tous y passer: faut surtout pas être prudent on pourrait avoir un accident.

Serait-ce à dire que le langage (le Logos, le Parler, le Dire) qui crée et qui fonde la Pensée serait aussi générateur d' Evénements?

Pourquoi pas? les ordinateurs vont nous le prouver bientôt puisqu'il suffira de prononcer un mot en ragardant leurs "beaux yeux bleus" (les web-cams invisibles seront dissimulées derrière les écrans eux-mêmes pour que l'Illusion soit plus parfaite) pour que les choses arrivent.

Les dieux sont muets et leurs créatures définitivement bavardes.

- Ceci n'est qu'un épiphénomène mais la chaleur est telle que je me suis mis à faire du bricolage nu et je me retrouvai avec une égoïne flambant neuf et métalique contre ma cuisse et me mis à penser fort malicieusement qu'il n'aurait fallu qu'un geste de plus pour que je me tranche la cuisse et fasse tomber mon sexe à terre. Quelle douleur et quel sang, si commun dans n'importe quelle bonne vieille torture encore pratiquée sur terre.

Compassion stérile qui ne pouvait pas, ne pas me passer par la tête!

- 40 à l'ombre, 61 en plein soleil: c'est trop même pour un chat "ignifugé", il ne monte même plus sous les combles mais se déplie, sans se pelotonner, sur la première marche en bois de l'escalier. Elle est chaude mais pas trop, juste à sa température féline.

- Quant à ma mère, elle a baissé ses volets et commence à vivre dans le noir pour "climatiser" son appartement. "Je ne suis pas malheureuse", c'est son refrain, mais je sais qu'elle a PEUR à force de voir les autres de son âge tomber.

- Petit Prince du haut de ses quatre ans ne semble pas souffrir de la chaleur: pas une perle de sueur; cela fait au moins une différence entre les enfants et les vieux que l'on tente vainement de rapprocher les uns des autres. La perte de mémoire, les couches, la crédulité, j'en passe et des meilleures; bref comme si on "retournait" en enfance alors que de toute évidence la vie est un Aller sans Retour. Comme dit la chanson de Souchon "On n'a pas assez d'essence pour faire marche-arrière". Pendant que les plages se remplissaient, les mouroirs se vidaient de leurs rares visiteurs et même de leurs clients qu'on emballait directement dans les camions frigorifiques (faute de corbillards). Il n'y a jamais assez de chambres; l'holocauste au dieu Soleil (qu'on adore tant quand on est vieux parce qu'imanquablement on associe la sa lumière à celle de la vie) va en avoir libéré quelques milliers. Ce qui n'était qu'une banale affaire de climat (nous étions en été) devient ainsi une affaire d'Etat. Dénoncer le danger de la canicule du point de vue sanitaire revenait à lever le voile sur le manque d'effectif dans les centres hospitaliers et comme tout gouvernement a le même précepte majeur que tout chef à casquette: PAS DE VAGUE! Si tout va bien chez moi, je serai bien noté, bien vu, bien promu! Et certains me disent qu'il n'y a pas de complot ?

Carte postale représentant "LE monument historique obligé"

-Ils me prennent vraiment pour une vieille conne mes enfants! la télé vient de donner le bilan officiel fourni par les Pompes Funèbres 13.500 morts, on peut pas les accuser de mentir ceux-là, vu que les macchabées c'est leur fonds de commerce. Je me souviens au début les journalistes ils disaient 50 à Paris: y'en a pas eu un pour s'excuser d'avoir menti. C'est comme le coup du nuage atomique qui s'était arrêté à notre frontière. Même qu'ils ont réquisitionné des camions frigorifiques qui font tourner leurs moteurs 24h/24 pour pas que la viande se décompose, parce que figurez-vous qu'il y a là dans le parking une centaine de corps anonymes. 10 jours ils ont dit pas plus, pour leur donner un nom (Pensez! y'en a, ils sont pas prêt de venir les chercher!)

après, hop, à la fosse commune sans croix ni couronne.

Remarquez la foudre avec ses 30.000° elle tue; mais y'en a qui disent qu'elle serait peut-être à l'origine de la vie. On peut pas toujours rester sur la corde raide des bonnes moyennes.

Faut quand-même que j'vous dise, les enfants: nous ici, le 4eme âge, celui qui ne compte plus pour aucun Etat, on n'a pas la clime, on n'a même pas un ventilo digne de ce nom comme y'en a au Vietnam, les Kiné qui étaient les seuls avec les curés à passer nous voir une fois par semaine, ils sont aussi sur la plage. Le dimanche, je fais un effort pour prendre mon déambulateur et aller jusqu'à la vieille chapelle de l'hospice: il y fait frais, et l'Enfourché du Golgotha... il est quand même torse nu? Le sang qui suinte de ses plaies doit le réchauffer. Bref, on m'avait dit que je finirai par y croire, surtout l'infirmière qu'a absolument voulu me punaiser la photo du Pape au-dessus de mon lit, comme s'il allait me ventiler un air du nord. Mais non, rien, on tombe comme des mouches, cela fait 48 heures qu'au-dessus de moi je n'entends plus de bruit: c'est vrai que de toute façon il en avait plus pour longtemps et que comme il avait plus de mémoire du tout, même pas celui du nom de sa maladie, il a oublié de fermer son volet et de boire un bon coup. Il avait qu'à l'écrire sur le miroir de la salle de bain. Moi je le fais, avec le rouge à lèvre de la standardiste: BAISSER LE VOLET À 11h . BOIRE A MIDI, À CINQ HEURES ET AVANT DE SE COUCHER. De toutes les manières j'peux pas avaler autre chose que de l'eau et comme on n'a pas le gaz, à moins de me foutre les doigts dans une prise d'électricité (et encore avec leurs normes de sécurité, faudrait que je la démonte). J'ai pas le courage de me jeter par la fenêtre, et puis du 2ème étage je serais capable d'y survivre encore plus tordue que maintenant!

Bon, faut pas m'en vouloir, mais écrire cette lettre aura été ma seule distraction de l'été; et puis comme vous m'aviez donné votre adresse en Espagne. Quand vous reviendrez je serai peut-être au frigo, c'est pour cela que même la nuit je garde ma carte d'identité sur moi. Ma vie a pas été grand-chose mais finir dans la fosse aux inconnus? cela me débecte. C'est con de pas avoir la foi, j'veux dire de croire en rien après la mort, personne en parle jamais, mais me dire que TOUT va s'arrêter d'un coup, comme on coupe une tête NE ME VA PAS DU TOUT.

J' espère que vous me rapporterez un éventail d'Espagne, je m'en servirai au mois de Novembre. J'aime pas ce mois là, pas plus que Noël quand vous m'apportez la boite de chocolats que j'peux même plus bouffer, et pas plus que la nouvelle année qu'on a tous de grande chance de ne jamais VIVRE.

J' vous fais pas la bise mais surtout vous oubliez pas de vous essuyez les joues après.

 

A propos de balance existentialiste:

pour la première fois depuis qu'il est né, nous avons laissé Petit Prince Le Toujours Beau à 100kms de sa chambre, chez ses grands-parents. Pas une seule nuit passée sans lui, pas une seule nuit où il savait qu'il pouvait crier papa maman, dans la solitude de sa chambre et qu'il les verrait à coup sûr arriver. La Nuit après avoir monté l'escalier toujours allumé je passai devant la chambre vide et jetai un œuil rapide pour ne pas voir l'absence. Pas un souffle, pas un cri, pas un murmure de ronflement dans la chambre à jouets en désordre.

Qu'il ne soit pas LÀ était aisément concevable, étant donné l'étendue de la preuve, mais qu'il existe et vive Ailleurs, loin de nous, restait à prouver. Cela, je pouvais aisément l'imaginer mais, les cent kilomètres qui séparaient les corps, je ne pouvais les franchir en étendant le bras, il me fallait déplacer mon corps dans la voiture, faire tourner les roues sur la route et les faire se déplacer de mètre et mètre pour à nouveau me déplacer à pied jusqu'à son lit. Le voyage est la première téléportation inventée par l'homme.

Il paraît qu'un acteur interprête Baudelaire sur scène en disant les "Journaux intimes" et leurs célèbres aphorismes sur l'amour. Il paraît que l'étoile de ciné qui est morte cet été, quelques jours avant d'être "tuée", avait envoyé un message écrit par téléphone, à sa mère:

"Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ta fifille battue" évitant ainsi le terrible:

"Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,"