- a contrario
Le livre existe: il est là, posé sur la table du café à côté de la tasse, comme le jour où un éditeur m'en déposa six specimen pour la promotion. Tout de suite, j'étais allé voir en 3eme de couverture les lignes écrites qui me fascinaient le plus: "Achevé d'imprimer pour les éditions... sur les presses de...". J'ai toujours pensé que le nom de l'imprimeur, de l'artisan qui fabrique la reliure, qui fait des pensées couchées sur le papier un objet, devrait être écrit en caractères gras sur la couverture, au même titre que celui de l'éditeur.
Sans les bons soins de l'éditeur, le texte ne serait jamais devenu une œuvre. Il allait falloir que j'apprenne à m'en passer.
Texte
de F. Ponge
- J' écris car c'est une autre "manière de ne rien faire", car faire on le sait depuis la préhistoire;j'écris car un livre est comme un piano: on peut jouer tout l'orchestre avec le clavier;
un livre peut être comme une dalle que l'on grave
comme une pierre érigée par des esclaves
comme une peau que l'on marque au fer rouge
comme un cahier d'écolier
comme les traces de fumée blanche laissées par les avions dans le bleu du ciel.
comme
des lettres éphémères creusées dans le
sable que la première vague efface
comme une histoire qu'on racontait aux enfants
comme un tragédie qu'on allait voir quand on ne savait pas encore écrire
comme
une
brique de bibliothèque
.
J' écris comme on crie avant d'y passer, j'écris car j'ai encore la possibilité de ne pas pouvoir faire autrement.
- Je n'ai jamais autant parlé avec ma mère que depuis qu'elle est morte. Elle est entrée en moi et me parle de l'intérieur comme jadis j'étais en elle.
Et moi, j'écris aussi tant que je suis encore au-dedans avant (par ma mort impossible) d'être jeté au dehors comme je le fus déjà une fois, expulsé dans le monde. Je ne peux pas m'empêcher d'écrire pour corriger, pour me racheter, pour rectifier. Je me demande parfois si je n'exhibe pas sur le net que des ratures.
- Je me demande si je serais capable d'écrire sans la rhétorique de l'oxymoron sachant que nous sommes condamnés à passer de tout à rien avec une incroyable légèreté.
- Vendredi 23h08 - je me suis constitué une petite base de données avec des bouts de papier-fichiers textes, avec des morceaux de musique-MP3, avec des photos découpées-jpeg, à coller, avec des petites images animées-gif; dans laquelle je pioche pour "trouver mon bonheur": c'est comme un jeu d'enfant et je comprends que l' INSTALLATION, comme on dit dans les musées d'art contemporain, puisse être une tentation.
Qu'on me donne de la colle et des ciseaux pour refaire le monde à ma façon avant d'être forcé d'écrire avec mon doigt à vif et dégouttant de sang sur les murs d'une cellule.
- Je sais que ce qui attire les mots ce sont les images et je ne pourrai jamais y renoncer (même aveugle) . Les mots suscitent d'autres images à leur tour.
- J'ai toujours vénéré mon grand-père à cause du fait qu'il avait construit lui-même sa maison (avec deux amis) et manié la Truelle, la Pelle, l'Equerre et le Fil-à-plomb. Sa fille aussi fut fière de lui toute sa vie;
- "Et toi, papa, que fais-tu?"
- " RIEN, juste écrivain et cinéaste du dimanche, pour éviter le vide de la vie et mourir de trop d'afflux..Mais je m'en fiche, moi, j'écris mon truc comme on bricole sans fin dans un sous-sol, à fabriquer une machine célibataire. Je ne sais pas si la vie est une "vaste rigolade" comme s'était laissée aller à dire Duras, mais je suis certain que c'est tous le jours sur la corde raide et un gros bricolage; c'est sans arrêt du rafistolage, on aménage, on répare, on s'arrange.
Je
suis
le facteur Cheval de l'internet. J'aimerais qu'on visite mon site
comme je me promène dans ma grotte idéale contruite en
briques de gifs et de mots html .
Dans
les mots comme dans dans les images et les musiques il y a du
déjà sculpté: alors je fais de la franche
maçonnerie et fabrique du sens. Je continuerai toujours et
charierai moi-même tous les mots. Un travail éternel
comme le repos.
- Gosse de 15 ans je lisais Le Révolver à cheveux blancs, de Breton et jurais de me souvenir toujours de ces deux vers:
Sans te retourner tu saisissais la truelle dont on fait les seins"
Mon père, inspecteur aux Postes et Télécommunications me racontait ainsi, souvent, des histoires de messagers. Bientôt personne n'apportera plus aucune lettre dans les boites qui ne renfermeront plus que publicités et factures.
F
e r d i n
a n d
- Le problème c'est qu'on lit un livre électronique comme un e-mail. Personne ne vous l'a vendu , pas plus de porteur de lettres que de livreur de livres.
- Une vieille amie des années fac, Violaine Fleur m'a téléphoné, alors qu'elle est à la retraite prématurément de par sa cécité intervenue une veille d'épiphanie après une chute de vélo. Tout ceci serait sans importance si ce n'était le fait que devenue écrivain je luis conseillais de juste politesse la lecture de mes livres et la visite de mes sites littéraires: ce qui provoqua sa colère polie et ma honte infinie. Internet c'est bon pour les voyants et surtout pas pour les manchots sans yeux. Après le virtuel resteront à inventer l'hologramme palpable et les écrans tactiles comme on en rêve dans les romans de science-fiction les plus téméraires. Le numérique n'a de cesse que de réinventer l'analogique. Les premiers holoscreens sont émouvants et font surtout rêver les publicitaires et bientôt les installateurs de web-art; mais le jour où on pourra toucher le corps d'une image il faudra faire attention de ne pas attraper une nouvelle maladie électronique.
- L'âne bâté , les yeux bandés tourne dans sa nuit autour du puits.
-
Le
moindre aveuglement et le moindre silence nous rendent complices...
et nous le sommes de plus en plus par la faute de médias et maintenant du net: nul n'est censé ignorer l'actualité même si celle-ci est celle des antipodes.
Nous
sommes considérés comme coupables si nous faisons trop
couler l'eau du robinet en nous lavant les mains, coupables si nous
rejetons trop de gaz carbonique avec la voiture (alors que Tchernobyl
a son sarcophage qui fuit de partout et que le deuxième que
l'on va construire sera le plus grand monument du monde -
Ce
projet, d'un montant d'environ 760 millions de dollars,
financé par la BERD (de l'ordre de 710 millions) et par le
gouvernement ukrainien (50 millions) prévoit la construction
d'un nouveau sarcophage (New Safe Confinement &endash; NSC) dont le
concept a été choisi en 2001. Le nouveau sarcophage
sera constitué d'une double enveloppe métallique
formée de quatre segments en forme d'arche de 37,5 m de long,
de 245 m de portée intérieure et de 100 m de hauteur
extérieure.
Sa durée de vie est estimée à 100
ans.
- ) , coupables si nous fumons de tuer les autres autour de nous,
coupables si nous buvons de coûter cher à la sociale
sécurité, coupables si nous avons des rapports sexuels
sans préservatif de risquer donner la mort à l'autre,
coupables de sourire à un enfant qui revient de
l'école... Coupables!
et cela résonne comme la honte dans la tête de Joseph K.
quand
on lui enfonce le couteau dans le cœur. Doutant parfois que le
monde soit absurde, j'ai honte du sens qu'il a
mais loin d'être caché comme jadis (je connus un temps
avant les images) il est présent dans toute son
obscénité face à notre regard sur n'importe quel
"terminal".
On écrit toujours dans l'ignorance car on ne peut pas tout vérifier, tout étudier, tout voir et tout entendre sur la giga-encyclopédie du web et sur les news en direct de tous les points de la planète Terre. Big Brother a fini d'être une anticipation depuis belle lurette et il y a des caméras dans les ascenceurs, en Chine.
-
La
barbarie qui traverse l'occident ne réussit même pas
à chasser l'ennui profond des petits bourgeois. L'avantage de
la peur visible partout, sur la télé de 20h ou sur
l'ordinateur intime dans la chambre de l'adolescent, c'est qu'elle
est un rite funéraire et qu'elle fait consommer par
consolation. On nous fait croire que nous sommes passés dans
l'ère post "major
event" mais
alors à quoi donc ont servi les grandes guerres, les grandes
épidémies, et les grands tremblements de terre - la
terreur du "tremere" - Une maison qui s'effondre doit-elle comporter
plusieurs centaines d'étages pour faire
réfléchir le monde? Le Dieu jaloux a détruit les
ziggourats de Babylone en semant la confusion des langues mais
aujourd'hui les ouvriers étrangers ne se parlent plus que par
geste pour ériger le financial
center
avec
des bureaux directoriaux au-dessus des nuages
et
des maisons basses...(Taipeh
:508mètres)
Je ne
parle pas du
projet de l'architecte français en Chine qui veut encore jouer
à Babel avec des Twins Towers de 514 mètres
Ah!
des hélices qui percent les cieux et font la nique
à Dieu.
Mais
les
financiers américains sont obstinés et décident
de revoir leur projet de la Tour de la Liberté construite par
un architecte d'origine juive polonaise afin qu'il soit encore le
plus haut du monde (Big of the univers) avec le symbolique
610mètres.
Certains observateurs affirment que Larry Silverstein, aidé ou non d'autres investisseurs, aura les plus grandes difficultés à faire revenir les entreprises dans le quartier, au moins avant la fin du chantier. Le mémorial dessiné par l'équipe de Michael Arad, Peter Walker et Max Bond pour occuper l'espace "libéré" par les tours jumelles serait, selon eux, difficile à concilier avec un quartier d'affaires. Les mêmes observateurs vont jusqu'à imaginer que Silverstein, une fois le montant des assurances acquis, serait tenté de revendre son bail. Une hypothèse peu plausible : le promoteur a, en fait, sollicité plusieurs architectes de stature internationale (Jean Nouvel, Fumihiko Maki, Norman Foster) pour édifier les autres tours du projet Libeskind, ce dernier ne gardant qu'une moitié de la Freedom Tower et un droit de regard sur l'ensemble du site.
Décidément,
il est dit que RIEN ne rabaissera jamais l' Orgueil des Fous de l'
Argent ("Money" comme chantaient jadis les Pink Floyd).
Et ils continuent à
proclamer que c'était l' Event
Major du monde... pour que d'une certaine façon toutes les
autres horreurs du monde (y compris l'Amérique) deviennent
"Minor events"